Métabolisme des bases puriques, des bases pyrimidiques et des nucléotides
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1. Présentation générale

2. Rappels sur les bases azotées, les nucléosides et les nucléotides (et leurs pendants désoxy-)

3. Le 5-phospho-α-D-ribosyl 1-pyrophosphate : point de départ des synthèses des purines et pryrimidines

4. Biosynthèse des nucléotides de purine

a. Les réactions du 5-PRPP à l'inosine monophosphate

b. Le tétrahydrofolate

c. Le domaine catalytique des Glutamine Amido Transférases (GATase)

d. Synthèse de l'AMP ou du GMP à partir de l'IMP

e. La voie de sauvetage des nucléotides de purine

 

5. Régulation de la synthèse des purines

6. Dégradation des nucléotides de purine

a. Le catabolisme

b. Le cycle des nucléotides de purine et son rôle dans l'activité musculaire

7. Biosynthèse des nucléotides de pyrimidine

a. Synthèse du carbamyl-phosphate

b. Suite de la synthèse des nucléotides de pyrimidine

c. La voie de sauvetage des nucléotides de pyrimidine

8. Régulation de la synthèse des nucléotides de pyrimidines

9. Catabolisme des nucléotides de pyrimidines

10. Liens Internet et références bibliographiques

 

1. Présentation générale

Dans la cellule, les bases puriques et pyrimidiques sont presque toujours des éléments constitutifs des nucléotides. Les nucléotides entrent bien évidemment dans la composition des acides nucléiques.

Mais leurs rôles sont extrêmement divers car certains nucléotides :

La plupart des organismes et des cellules sont capables de métaboliser les nucléotides. Schématiquement :

a. La biosynthèse des nucléotides de purine s'effectue :

  • soit à à partir de petites molécules précurseurs.
  • soit via des voies métaboliques simples qui permettent à la cellule d'incorporer directement des purines pré-formées (voie de sauvetage - "salvage") à ses nucléotides. Ces purines sont issues de la dégradation des acides nucléiques ou bien sont puisées dans l'environnement. Cette aptitude de la cellule à catalyser la synthèse de nucléotides de purine de novo lui permet de s'affranchir d'un approvisionnement externe et la voie de sauvetage lui permet d'économiser ces molécules en recyclant les produits du catabolisme des acides nucléiques. Cette voie est aussi moins coûteuse sur le plan énergétique.

Exemple de réaction de sauvetage catalysée par l'Adénine PhosphoRibosyl Transférase (APRT) : AMP + diphosphate ===> adénine + 5-phospho-α-D-ribose 1-diphosphate

  • Cette synthèse, à partir du ribose-5-phosphate (produit de la voie des pentoses-phosphates), aboutit à l'Inosine MonoPhosphate (IMP). L'IMP est un carrefour métabolique qui conduit à la synthèse de l'AMP (Adénosine MonoPhosphate) et du GMP (Guanosine MonoPhosphate).

b. La biosynthèse de novo des nucléotides de pyrimidine est une voie métabolique dont les caractéristiques chimiques diffèrent de celle de la biosynthèse des nucléotides de purine.

c. Le catabolisme des purines diffère de celui des pyrimidines :

  • les purines sont dégradées en substances potentiellement toxiques : le métabolisme des purines (synthèse des purines et dégradation des nucléotides de purine) participe à l'élimination de l'azote sous forme d'acide urique (uricogénèse).
  • les pyrimidines sont dégradées en molécules facilement métabolisées : β-aminoiosobutyrate, NH3 et CO2.

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2. Rappels sur les bases azotées, les nucléosides et les nucléotides (et leurs pendants désoxy-)
Les bases azotées constitutives des acides nucléiques (voir ci-dessous la structure de ces bases azotées)
purine pyrimidine
adénine (A) - ADN & ARN cytosine (C) - ADN & ARN
guanine (G) - ADN & ARN thymine (T) - ADN
hypoxanthine - ARN uracile (U) - ARN
Application : script (Python) qui dénombre les nucléotides d'une séquence et calcule la température de fusion (Tm).

Exemples d'autres purines dont la plupart n'interviennent pas dans la composition des acides nucléiques :

  • la xanthine (ou 2,6-dihydroxypurine)
  • la caféine (ou méthylxanthine, alcaloïde antagoniste des récepteurs d'adénosine)
  • la théobromine (ou 3,7-diméthylxanthine - alcaloïde de la fève de cacao, Theobroma cacao)
  • l'acide urique (produit d'oxydation d'oxypurines telles que la xanthine et l'hypoxanthine, via la xanthine oxydase)

Un nucléoside est une glycosylamine : c'est-à-dire une base azotée dont un groupement amine est lié à un carbohydrate (ribofurannose) par une liaison β-N-osidique.

Un désoxynucléoside utilise le 2-désoxyribofurannose.

Un nucléotide résulte de la phosphorylation d'un groupement -OH du ribose du nucléoside. C'est un ester-phosphate de nucléoside.

Les nucléosides diphosphates (NDP) ou les nucléosides triphosphate (NTP) sont des polyacides forts qui peuvent libérer 3 ou 4 protons (acides polyprotiques).

Base azote purique pyrimidique purine pyrimidine nucleoside nucleotide carbamyl phosphate phospho ribosyl pyrophosphate PRPP inosime AMP ADP GTP ATP biochimej

L'ATP (adénosine 5'-triphosphate) est un NTP particulier puisque c'est la molécule réservoir énergétique de la cellule (le GTP l'est aussi mais il est moins fréquemment utilisé).

Base azote purique pyrimidique purine pyrimidine nucleoside nucleotide carbamyl phosphate phospho ribosyl pyrophosphate PRPP inosime AMP ADP GTP ATP biochimej

Homéostasie de la concentration optimale des nucléotides

Concentrations des désoxyribo- et des ribo-nucléotides mono- ou tri-phosphates dans la cellule (mM)
  Bactéries Homme   Bactéries Homme
dNMP - total 43 ----- rNMP - total 270 -----
dATP 0,18 0,013 ATP 3,00 2,80
dGTP 0,12 0,005 GTP 0,92 0,48
dCTP 0,07 0,022 CTP 0,52 0,21
dTTP 0,08 0,023 UTP 0,89r 0,48

Il existe un grand nombre de processus qui y contribuent à cette homéostasie. On peut citer 3 réactions capitales de phosphorylation :

  • guanylate kinase : GMP + ATP <=> GDP + ADP
  • adénylate kinase : AMP + ATP <=> 2 ADP
  • nucléoside diphosphate kinase : GDP + ATP <=> GTP + ADP

La charge énergétique adénylique (CEA) de la cellule a été définie (Atkinson, DE, 1968) par la relation :

      [ATP] + 1/2 [ADP]
----------------------
   [ATP] + [ADP] + [AMP]

Cette relation exprime la fraction molaire en ATP (qui contient 2 liaisons phosphoanhydride à haut potentiel énergétique) plus la moitié de la fraction molaire en ADP (qui n'en contient qu'une).

La CEA est donc une mesure de l'énergie disponible à un instant donné dans une cellule, un tissu ou un organisme.

Il s'agit d'un paramètre de valeur universelle atteignant des valeurs comparables chez tous les organismes vivants.

La CEA est très sensible aux variations de l'environnement interne des organismes (stress) ou de l'environnement extérieur : plus un organisme subit l'effet d'un stress, plus il consomme d'énergie (donc d'ATP) pour contre-balancer ces effets, plus la CEA de cet organisme baisse.

En théorie, la valeur de la CEA peut varier de 0 (il n'y a que de l'AMP) à 1 (il n'y a que de l'ATP).

Cependant, dans la plupart des cellules, la CEA est trés finement régulée et on observe des variations de 0,7 (forte hydrolyse de l'ATP et de l'ADP en AMP) à 0,95 (typiquement une cellule au repos).

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3. Le 5-phospho-α-D-ribosyl 1-pyrophosphate : point de départ des synthèses des purines et pryrimidines

Tant la biosynthèse de novo des purines et des pyrimidines que la voie de sauvetage des purines commencent par l'utilisation d'un sucre activé : le 5-phospho-α-D-ribosyl 1-pyrophosphate ou 5-PRPP.

La synthèse du 5-PRPP s'effectue à partir du ribose 5-phosphate et de l'ATP (donneur de groupement pyrophosphate et d'énergie).

Base azote purique pyrimidique purine pyrimidine nucleoside nucleotide carbamyl phosphate phospho ribosyl pyrophosphate PRPP inosime AMP ADP GTP ATP biochimej

Elle est catalysée par la ribose-phosphate pyrophosphokinase ou phosphoribosyl pyrophosphate synthétase (E.C. 2.7.6.1).

Cette enzyme est inhibée par les nucléotides de purine ADP et GDP.

Le 5-PRPP est un carrefour métabolique :

  • il intervient aussi dans les voies de sauvetage et de synthèse de l'histidine et du tryptophane.
  • il est le substrat de plusieurs phosphoribosyl transférases des voies de biosynthèse des nucléotides :
    1. l'Adénine PhosphoRibosyl Transférase (APRT)
    2. l'Hypoxanthine-Guanine PhosphoRibosyl Transférase (HGPRTase)
    3. l'Orotate PhosphoRibosyl Transférase (complexe U)
    4. la 5-PRPP Amido Transférase

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4. Biosynthèse des nucléotides de purine

a. Les réactions du 5-PRPP à l'inosine monophosphate

Le principal site de la biosynthèse des nucléotides de purine est le foie.

Base azote purique pyrimidique purine pyrimidine nucleoside nucleotide carbamyl phosphate phospho ribosyl pyrophosphate PRPP inosime AMP ADP GTP ATP inosine monophosphate IMP nucleotide purine AIR CAIR SAICAR AICAR FAICAR biochimej

  • 1 : Amido PhosphoRibosyl Transférase ou Glutamine PhosphoRibosylPyrophosPhate Amido Transférase - EC 2.4.2.14
  • 2 : phosphoribosylamine-glycine ligase - EC 6.3.4.13
  • 3 : phosphoribosylglycinamide formyltransférase - EC 2.1.2.2
  • 4 : phosphoribosylformylglycinamidine synthase - EC 6.3.5.3
  • 5 : phosphoribosylformylglycinamidine cyclo-ligase - EC 6.3.3.1
  • 6 : phosphoribosylaminoimidazole carboxylase - EC 4.1.1.21
  • 7 : phosphoribosylaminoimidazole-succinocarboxamide synthase - EC 6.3.2.6
  • 8 : adénylosuccinate lyase - EC 4.3.2.2
  • 9 : phosphoribosylaminoimidazolecarboxamide formyltransférase - EC 2.1.2.3
  • 10 : IMP cyclohydrolase - EC 3.5.4.10

Réaction 1 : L'Amido PhosphoRibosyl Transférase catalyse la 1ère étape qui implique le 5-PRPP :

  • le groupe pyrophosphoryle du 5-PRPP est déplacé par l'azote amide de la glutamine. Ce déplacement nucléophile change l'anomérie du ribose : on passe d'un anomère α à un anomère β (fixation de la fonction amine par une liaison N-glycosidique). Cette anomèrie est retrouvée dans la configuration des nucléotides de purine complétés.
  • l’énergie est fournie par la liaison pyrophosphate hydrolysée. La réaction est irréversible d'autant qu'une pyrophosphatase hydrolyse le pyrophosphate formé.
  • cette enzyme est inhibée de manière allostérique par les nucléotides de purine : IMP, AMP et GMP. L'azasérine (O-diazoacétyl-L-serine, dérivé de la sérine analogue structural de la glutamine) est un inhibiteur compétitif de la 5-PRPP amidotransférase

Réaction 2 : Le groupe aminé du produit, la 5-phospho-β-D-ribosylamine est acylé par la glycine pour former la glycinamide ribonucléotide. Cette réaction, catalysée par la phosphoribosylamine-glycine ligase est proche de celle catalysée par la glutamine synthétase (intermédiaire γ-glutamyl phosphate).

Réaction 3 : Le 10-formyltétrahydrofolate cède son groupe formyle au groupe aminé destiné à former l'azote N-7 de l'IMP (produit final de cette voie). Cette réaction est catalysée par la phosphoribosylglycinamide formyltransférase.

Réaction 4 : L'amide est transformée en amidine (R)HN-C=NH avec la glutamine comme donneur d'azote. Cette réaction est catalysée par la phosphoribosylformylglycinamidine synthase.

Réaction 5 : Le cycle est fermé aux dépens de l'hydrolyse de l'ATP. Cette réaction est catalysée par la phosphoribosylformylglycinamidine cyclo-ligase ou phosphoribosyl-amino-imidazole synthétase.

Les étapes 2, 3 et 5 sont catalysées par une enzyme multi-fonctionnelle qui catalyse les réactions correspondant aux activités enzymatiques EC 6.3.4.13, EC 2.1.2.2 et EC 6.3.3.1.

Réaction 6 : Le carbone du CO2 (sous forme de bicarbonate) est attaché au carbone qui va devenir le C-5 du noyau purine : cette carboxylation ne dépend ni de la biotine ni de l'ATP. L'incorporation de gaz carbonique est très rare dans le métabolisme des animaux. L'atome C-5 du noyau imidazole est un nucléophile activé car il fait partie d'une ènamine [H2N-C=C] dont le -NH2 est équivalent à un -OH d'un énol. Cette réaction est catalysée par la phosphoribosylamino-imidazole carboxylase. Chez Escherichia coli, 2 enzymes distinctes sont nécessaires pour catalyser cette réaction.

Réaction 7 : Le groupe aminé de l'aspartate est introduit dans le cycle purique en cours de biosynthèse. L'aspartate se condense en entier pour former d'abord un succinyli-carboxamide. Cette réaction est catalysée par la phosphoribosylaminoimidazole-succinocarboxamide synthase.

Les étapes 6 et 7 sont catalysées par une 2ème enzyme multi-fonctionnelle qui catalyse les réactions correspondant aux activités enzymatiques EC 4.1.1.21 et EC 6.3.2.6. Le gène qui code cette seconde multienzyme est sous le contrôle du même promoteur que le gène qui code l'amidophosphoribosyl transférase (réaction 1 et enzyme-clé de la voie de biosynthèse de l'IMP). Il y a donc une régulation coordonnée au niveau de la transcription de ces deux gènes.

Réaction 8 : L'adénylosuccinate lyase catalyse le clivage non hydrolytique qui élimine le fumarate. Ce processus aboutit au transfert d'un groupe aminé qui formera l'azote N-1 de l'IMP.

Réaction 9 : Elle rappelle l'étape 3 : le 10-formyltétrahydrofolate cède son groupe formyle au groupe aminé nucléophile du ribonucléotide d'amino-imidazole-carboxamide. Cette réaction est catalysée par la phosphoribosylaminoimidazolecarboxamide formyltransférase.

Réaction 10 : L'azote amide de cet intermédiaire final se condense au groupe formyle et ferme le cycle : l'inosine monophosphate est synthétisée. La base purique de l'IMP est l'hypoxanthine. Cette réaction est catalysée par l'IMP cyclohydrolase.

Les étapes 9 et 10 sont catalysées par une 3ème enzyme multi-fonctionnelle qui catalyse les réactions correspondant aux activités enzymatiques EC 2.1.2.3 et EC 3.5.4.10.

Bilan : la synthèse de l'IMP nécessite 5 ATP, 2 glutamines, 1 glycine, 1 molécule de CO2, 1 aspartate et 2 molécules d'acide formique.

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b. Le tétrahydrofolate

Le folate est composé de la ptérine, d'un résidu acide p-aminobenzoïque et d'un résidu glutamate (à droite dans la structure).

Le tétrahydrofolate dérive du folate par addition d'atomes d'hydrogène en position 5, 6, 7 et 8 de la ptérine.

Structure tetrahydrofolate THF Phosphoribosylpyrophosphate PRPP inosine monophosphate IMP nucleotide purine AIR CAIR SAICAR AICAR FAICAR biochimej

c. Le domaine catalytique des Glutamine Amido Transférases (GATase)

De très nombreuses enzymes biosynthétiques catalyse le clivage de l'ammoniac de la glutamine, puis de transférer ce groupe à un substrat pour former un nouveau groupe carbone-azote. Cette activité catalytique est connue sous le nom de Glutamine Amido Transférase ou GATase.

Le domaine structural qui porte cette activité catalytique peut-être :

  • soit une sous-unité polypeptidique indépendante
  • soit un sous-domaine d'un domaine synthase plus vaste

Il existe 2 classes de domaines GATase : la classe-I (ou type trpG ou triade) et la classe II (ou type purF ou Ntn).

Exemples d'enzymes qui ont un domaine GATase de la classe II :

  • la Glutamine PhosphoRibosylPyrophosPhate Amido Transférase (réaction 1 - voie de synthèse des purines)
  • la Glucosamine-fructose-6-phosphate Amino Transférase qui catalyse une réaction clé de la synthèse des sucres aminés : la formation de la glucosamine 6-phosphate à partir du fructose 6-phosphate
  • l'Asparagine synthétase qui catalyse la synthèse de l'asparagine à partir de l'aspartate et de la glutamine
  • la Glutamate Synthase : enzyme qui participe à l'assimilation de l'ammoniac en formant le glutamate à partir de la glutamine et du 2-oxoglutarate

Le site actif du domaine GATase de la classe II est constitué par une Cys située à l'extrémité N-terminale de la chaîne polypeptidique des formes matures. La position N-terminale et le repliement autour de cette Cys catalytique diffèrent de la triade [Cys-His-Glu] du site actif du domaine GATase de la classe I.

Deux autres acides aminés conservés (Asn et Gly) forment un trou oxyanion qui stabilise l'intermédiaire tétraédrique.

L'architecture 3D du domaine GATase de la classe II correspond à 4 couches [α/β/β/α]. Ce repliement est semblable à celui des hydrolases nucléophiles d'acides aminés N-terminaux qui sont capables d'attaque nucléophile et d'auto-catalyse.

Visualisation de la Glutamine PhosphoRibosylPyroPhosphate (5-PRPP) Amido Transférase de Escherichia coli à une résolution de 2,4 Å.

Code PDB : 1EEC

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d. Synthèse de l'AMP ou du GMP à partir de l'IMP

L'IMP est un point de branchement dans la biosynthèse des nucléotides de purine car il peut être converti en AMP ou en GMP via 2 suites de réactions distinctes.

  • la synthèse d'AMP nécessite de l'énergie sous forme de GTP
  • la synthèse de GMP nécessite de l'énergie sous forme d'ATP

Phosphoribosylpyrophosphate PRPP inosine monophosphate IMP nucleotide purine AMP GMP guanosine adenosine adenylosuccinate XMP xanthosine monophosphate biochimej

L'utilisation du GTP pour la synthèse d'AMP permet à la cellule d'ajuster les proportions d'AMP et de GMP à des niveaux à peu près équivalent :

  • l'accumulation de GTP accélère la synthèse d'AMP à partir de l'IMP au détriment de la synthèse de GMP
  • inversement, puisque la conversion de l'IMP en GMP nécessite de l'ATP, l'accumulation d'ATP conduit à la synthèse accélérée du GMP au détriment de la synthèse d'AMP

e. La voie de sauvetage des nucléotides de purine

Au cours de la voie de récupération, les nucléotides de purine sont synthétisés à partir des intermédiaires (les bases puriques et les nucléosides) du catabolisme (dégradation) des nucléotides. Les bases puriques libres (adénine, guanine et hypoxanthine) peuvent ainsi être re-converties en leur nucléotide correspondant par phosphoribosylation.

Ce processus est nettement moins coûteux sur le plan énergétique que la biosynthèse de novo : la synthèse d'AMP par exemple nécessite l'hydrolyse de 7 liaisons à haut potentiel énergétique.

Deux transférases clé sont impliqués dans le sauvetage des purines :

Une autre enzyme joue un rôle crucial de sauvetage des purines dans les cellules à division rapide : l'adénosine désaminase qui catalyse la désamination de l'adénosine en inosine.

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5. Régulation de la synthèse des purines

La biosynthèse des nucléotides est régulée par rétro-inhibition ou inhibition par rétro-contrôle ("feedback inhibition") de manière similaire à la régulation de la biosynthèse des acides aminés.

Phosphoribosylpyrophosphate PRPP inosine monophosphate IMP nucleotide purine AIR CAIR SAICAR AICAR FAICAR biochimej

Cette inhibition régule la vitesse de biosynthèse des purines et l'équilibre entre la formation d'AMP et de GMP.

Or ces deux métabolites (et d'autres nucléotides) sont des rétro-inhibiteurs.

Les deux premières réactions de la voie de biosynthèse des purines sont les étapes dont les vitesses sont limitantes.

a. La synthèse du 5- PRPP par la phosphoribosyl pyrophosphate synthétase est rétro-inhibée par les nucléotides de purine (surtout par l'AMP et le GMP). Les effets de ces 2 nucléotides sont synergiques : l'inhibition est maximale quand la concentration optimale d'AMP et de GMP sont atteintes.

b. La vitesse de catalyse de la glutamine phosphoribosylpyrophosphate amidotransférase, enzyme qui catalyse la formation de la phosphoribosyl-amine (5-PRA) à partir du 5-PRPP, est finement régulée par de nombreux ribonucléotides de purine :

  • rétro-inhibition par l'ATP, l'ADP et l'AMP sur un site de fixation d'inhibiteurs
  • rétro-inhibition par le GTP, le GDP et le GMP sur un autre site de fixation d'inhibiteurs
  • rétro-inhibition par l'IMP, le produit final de cette voie
  • activation par le 5-PRPP

c. Le GTP est un substrat de la synthèse de l'AMP et l'ATP est un substrat de la synthèse du GMP : cette réciprocité de substrat tend à équilibrer la synthèse des ribonucléotides d'adénine et de guanine.

d. La synthèse d'AMP et de GMP est contrôlée par rétro-inhibition :

  • l'AMP rétro-inhibe la conversion de l'IMP en adénylosuccinate - précurseur de l'AMP
  • le GMP rétro-inhibe la conversion de l'IMP en xanthosine monophosphate (ou xanthylate) - précurseur du GMP

e. La réduction des ribonucléotides en désoxyribonucléotides est catalysée par la ribonucléotide réductase (E.C. 1.17.4.1). La ribonucléotide réductase forme un hétérodimère d'une grande (RRM1) et d'une petite (RRM2) sous-unité.

  • cette enzyme est contrôlée de manière allostérique sur 2 types de sites : les sites de spécificité de substrat et le site actif. Seule la sous-unité RRM1 contient ces sites allostériques
  • le site catalytique qui fixe le substrat, situé sur RRM1, n'est structuré qu'en présence de RRM2
  • le type de nucléotide lié au site de spécificité détermine la préférence du substrat
  • l'ATP active la ribonucléotide réductase et le dATP l'inactive
  • l'activité de l'enzyme est étroitement corrélée au taux de croissance de la cellule et semble varier avec le cycle cellulaire

Cette sophistication de la régulation du flux global d'une voie métabolique complexe est un splendide cas d'école pour des études d'enzymologie.

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6. Dégradation des nucléotides de purine

a. Le catabolisme

Le catabolisme des nucléotides de purine aboutit à la formation d'acide urique, insoluble et excrété dans l'urine sous forme de cristaux d'urate de sodium.

Phosphoribosylpyrophosphate PRPP inosine monophosphate IMP GMP AMP nucleotide purine salvage sauvetage biochimej

L'origine des atomes de l'acide urique

Des expériences utilisant des précurseurs marqués par des isotopes radioactifs ont permis de déterminer l'origine des atomes de carbone et d'azote constitutifs de l'acide urique.

Ces expériences ont montré que l'acide urique et les purines qui entrent dans la composition des acides nucléiques sont issus des mêmes précurseurs et de la même voie métabolique.

Structure tetrahydrofolate THF Phosphoribosylpyrophosphate PRPP inosine monophosphate IMP nucleotide purine AIR CAIR SAICAR AICAR FAICAR ree acide urique biochimej

b. Le cycle des nucléotides de purine et son rôle dans l'activité musculaire

La synthèse d'AMP à partir d'IMP et la voie de sauvetage d'IMP via le catabolisme d'AMP ont pour conséquence de désaminer l'aspartate en fumarate. Ce processus est appelé cycle des nucléotides de purine.

Phosphoribosylpyrophosphate PRPP inosine monophosphate IMP nucleotide cycle purine muscle krebs biochimej

Ce cycle est trés important dans les cellules du muscle : une forte activité musculaire augmente l'activité du cycle de Krebs afin de produire davantage de NADH pour une synthèse accrue d'ATP.

Le muscle reconstitue donc les intermédiaires du cycle de Krebs à partir du fumarate généré par le cycle des nucléotides de purine.

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7. Biosynthèse des nucléotides de pyrimidine

a. Synthèse du carbamyl-phosphate

La synthèse des pyrimidines est moins complexe que celle des purines. En premier lieu, le carbamyl-phosphate est synthétisé par la carbamyl-phosphate synthétase à partir de bicarbonate, de NH3 et d'ATP.

carbamyl phosphate nucleotide pyrimidine Base azote purique pyrimidique purine pyrimidine nucleoside phospho ribosyl pyrophosphate PRPP inosime AMP ADP GTP ATP biochimej

  • Le groupe phosphate en position γ d'une 1ère molécule d'ATP réagit avec le bicarbonate pour former du carbonyl phosphate.
  • L'attaque nucléophile de l'azote de l'ammoniac déplace le phosphate pour former un intermédiaire tétrahédrique.
  • Cet intermédiaire est déphosphorylé pour former du carbamate.
  • Enfin, le groupe phosphate γ d'une seconde molécule d'ATP est transféré pour former le carbamyl phosphate.

Au delà de la biosynthèse des nucléotides de pyrimidine, cette réaction est la première étape de la biosynthèse de l'arginine (procaryotes et eucaryotes) et du cycle de l'urée chez la plupart des vertébrés terrestres.


Exemple de différentes carbamyl-phosphate synthétases
Carbamoyl-phosphate synthase (CPSase I) la source de NH3 est l'ammoniac dans le cas du cycle de l'urée dans la mitochondrie E.C. 6.3.4.16
Carbamoyl-phosphate synthase glutamine-hydrolysing (CPSase II) la source de NH3 est la glutamine dans le cytosol E.C. 6.3.5.5
Carbamoyl-phosphate synthase large chain Escherichia coli E.C. 6.3.5.5
Carbamoyl-phosphate synthase arginine-specific large chain P03965 E.C. 6.3.5.5
Carbamoyl-phosphate synthetase 2, aspartate transcarbamylase, and dihydroorotase P27708 E.C. 6.3.5.5

b. Suite de la synthèse des nucléotides de pyrimidine

La synthèse des pyrimidines diffère sur deux points importants de celle des purines :

  • le 5-PRPP est ajouté à la première base de pyrimidine entièrement formée (l'acide orotique).
  • il n'y a pas de branchement dans la synthèse des pyrimidines :
    1. L'UMP est phosphorylé 2 fois pour former l'Uridine 5'-triphosphate ou UTP : la 1ère phosphorylation est catalysé par l'uridylate kinase et la 2ème par la nucléoside diphosphate kinase. L'ATP est le donneur de phosphate.
    2. Finalement l'UTP est aminé par la CTP synthase pour former le CTP.

Phosphoribosylpyrophosphate PRPP Uridine monophosphate UMP UTP CTP nucleotide pyrimidine carbamyl phosphate biochimej

Réaction 1.

L'aspartate transcarbamylase (ATCase) est l'archétype de l'enzyme sujette à régulation allostérique (comme la phosphofructokinase 1).

La transition allostérique T <===> R correspond à :

  • une diminution du volume du site actif de 1898 Å3 à 541 Å3
  • une énergie d'activation de 13,0 ± 1,4 kcal.mol-1

L'ATCase est aussi l'une des enzymes les plus étudiées sur le plan mécanistique :

  • les premières études sur la régulation du métabolisme des nucléotides de pyrimidine remontent à 1956 (Yates & Pardee, J. Biol Chem. 221, 757 - 770)
  • on suppose que la réaction se déroule via un intermédiaire tétraédrique. L'analogue structural de cet intermédiaire tétraédrique, le N-phosphonacétyl-L-aspartate (PALA) est un puissant inhibiteur de l'ATCase
  • le mécanisme réactionnel de la réaction catalysée par l'ATCase est un mécanisme Bi-Bi ordonné au cours duquel :
    1. le carbamyl phosphate se lie avant l'aspartate
    2. le produit N-carbamyl-L-aspartate quitte le site actif avant le phosphate inorganique

Nomenclature : carbamyl aspartate ou N-carbamyl-L-asparte ou acide uréido-succinique.

Chez Escherichia coli, l'ATCase est composée de 6 sous-unités catalytiques (C) et 6 sous-unités régulatrices (R) :

aspartate transcarbamylase ATCase carbamyl phosphate nucleotide Base azote purique pyrimidique purine pyrimidine nucleoside nucleotide phospho ribosyl pyrophosphate PRPP inosime AMP ADP GTP ATP biochimej

Source : Kantrowitz (2012)

  • la stoechiomètrie est C6R6 (2 trimères de C et 3 dimères de R)
  • les masses molaires de l'holoenzyme, d'une sous-unité catalytique et d'une sous-unité régulatrice sont 308508 Da, 34296 Da et 17122 Da, respectivement
  • chaque sous-unité régulatrice est constituée de 2 domaines : le domaine Zn principalement impliqué dans la fixation de ce cation et le domaine Al principalement impliqué dans la fixation des effecteurs allostériques

On recense plusieurs dizaines de structures cristallographiques de l'ATCase dans la PDB.

Réaction 2. La carbamoyl aspartate déshydratase contient 3 domaines :

  • Glutamine-dépendante carbamoyl-phosphate synthase (E.C. 6.3.5.5)
  • Aspartate carbamoyltransférase (E.C. 2.1.3.2)
  • Dihydro-orotase (E.C. 3.5.2.3)

Réaction 3. La dihydro-orotate déshydrogénase :

  • classe 1 : une forme cytoplasmique et le fumarate (E.C. 1.3.98.1) est l'accepteur d'électrons
  • classe 1 : le NAD+ (E.C. 1.3.1.14) ou le NADP+ (E.C. 1.3.1.15) sont l'accepteur d'électrons
  • classe 2 : une forme mitochondriale et la quinone (E.C. 1.3.5.2) est l'accepteur d'électrons

Réaction 4. L'orotate phosphoribosyl transférase (E.C. 2.4.2.10) : chez la levure et les bactéries c'est une enzyme indépendante. Chez les mammifères et les organismes multicellulaires, elle correspond à un domaine d'une enzyme bi-fonctionnelle, l'uridine monophosphate synthetase (UMP synthase).

Réaction 5. L'orotidine-5'-phosphate décarboxylase (E.C. 4.1.1.23).

Les nucléotides de thymine sont à leur tour obtenus :

  • par la synthèse de novo à partir de l'UMP
  • par une voie de sauvetage de la désoxyuridine ou de la désoxythymidine

Base azote purique pyrimidique purine pyrimidine nucleoside nucleotide carbamyl phosphate phospho ribosyl pyrophosphate PRPP inosime AMP ADP GTP ATP biochimej

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c. La voie de sauvetage des nucléotides de pyrimidine

Au cours de la voie de sauvetage, les nucléotides de pyrimidine sont synthétisés à partir des intermédiaires (les bases puriques et les nucléosides) du catabolisme (dégradation) des nucléotides.

L'uracile peut être récupérée pour former l'UMP par l'uridine phosphorylase puis l'uridine kinase :

  • uracile + ribose-1-phosphate <=====> uridine + Pi
  • uridine + ATP -----> UMP + ADP

La désoxy-uridine est également un substrat de l'uridine phosphorylase : désoxy-uridine + ATP <=====> dUMP + ADP

La formation du dTMP recquiert la thymine phosphorylase puis la thymidine kinase (inhibée par le dTTP) :

  • thymine + désoxyribose-1-phosphate <=====> thymidine + Pi
  • thymidine + ATP -----> dTMP + ADP

Le sauvetage de la désoxy-cytidine est catalysée par la désoxy-cytidine kinase : désoxy-cytidine + ATP <=====> dCMP + ADP

La désoxy-adénosine et la désoxy-guanosine sont également des substrats de la désoxy-cytidine kinase, bien que le KM pour ces nucléotides soit beaucoup plus élevé que pour la désoxy-cytidine.

La fonction principale des kinases de nucléosides de pyrimidine est de maintenir un équilibre cellulaire entre le niveau de nucléosides de pyrimidine et celui des nucléosides de pyrimidine monophosphates. Cependant, puisque les concentrations globales cellulaire et plasmatique des nucléosides de pyrimidine (ainsi que celui du ribose-1-phosphate) sont faibles, le sauvetage des pyrimidines par ces kinases est relativement inefficace.

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8. Régulation de la synthèse des nucléotides de pyrimidines

Régulation allostérique de la carbamoyl-phosphate synthase I (tous les sites de fixations des effecteurs sont situés dans la grande sous-unité) :

  • activation par un niveau élevé d'ATP, par l'ornithine et l'ammoniac
  • inhibition par un faible niveau d'ATP

Régulation allostérique de l'aspartate transcarbamylase (ATCase) :

  • activation par les nucléotides de purines (niveau élevé d'ATP ou de dATP)
  • inhibition par les nucléotides de pyrimidine : le CTP (le produit final de biosynthèse des pyrimidines) et le dCTP
  • inhibition plus faible par le GTP, le dTTP et l'UTP
  • le CTP et l'ATP décalent la courbe de saturation (coopérative) par l'aspartate vers la droite et vers la gauche, respectivement, sans modifier la vitesse maximale de l'enzyme
  • l'activation de l'enzyme par l'ATP pourrait être réversée et complètement abolie par l'addition de CTP, ce qui suggère que les deux nucléotides sont en compétition pour le même site de fixation allostérique de l'enzyme

Carbamoyl-phosphate synthase glutamine-hydrolysing (CPSase II) :

  • activée par le 5-PRPP et l'ATP
  • inhibée par l'UMP

9. Catabolisme des nucléotides de pyrimidines

Le catabolisme des nucléotides de pyrimidine aboutit finalement à la β-alanine (catabolisme de CMP et UMP) ou au β-amino-isobutyrate (catabolisme de dTMP) et à NH3 et CO2.

La β-alanine et le β-amino-isobutyrate sont des donneurs de groupement -NH2 dans les réactions de transamination de l'α-cétoglutarate en glutamate.

Une réaction subséquente convertit les produits en malonyl-CoA (qui peuvent être redirigés vers la synthèse des acides gras) ou en méthylmalonyl-CoA qui est converti en succinyl-CoA qui rejoint le cycle de Krebs.

 

10. Liens Internet et références bibliographiques

"Section 25.2 : Purine Bases Can Be Synthesized de Novo or Recycled by Salvage Pathways"

"Section 25.4 : Key Steps in Nucleotide Biosynthesis Are Regulated by Feedback Inhibition"

Purine Metabolism - KEGG Pathway

Cours : "Nucleotide Metabolism" - The Medical Biochemistry Page

NCBI Books

NCBI Books

KEGG

Aller au site

Purinosome

An et al. (2008) "Reversible Compartmentalization of de Novo Purine Biosynthetic Complexes in Living Cells" Science 320, 103-106

Zhao et al. (2013) "The purinosome, a multi-protein complex involved in the de novo biosynthesis of purines in humans" Chem. Commun. 49, 4444-4452

 

Article

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Kantrowitz (2012) "Allostery and cooperativity in Escherichia coli Aspartate Transcarbamoylase" Arch. Biochem. Biophys. 519, 81 - 90 Article

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