La phosphorylation et les protéines kinases
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1. La phosphorylation : généralités

2. Mécanisme catalytique des protéines kinases

a. Schéma catalytique de la phosphorylation par les protéines kinases
b. Inhibition des protéines kinases et développement de médicaments

3. Les familles de protéines kinases

4. Les spécificités de substrat et quelques motifs consensus de phosphorylation

5. La sous-unité calalytique des protéines kinases

6. La déphosphorylation par les protéines Ser/Thr ou Tyr phosphatases

 

7. Mécanisme d'activation de certaines protéines kinases

8. Les protéines kinases calcium/calmoduline dépendantes - CaM kinases II (animaux)

9. Les protéines kinases calcium dépendantes - CDPK (plantes)

10. La protéine kinase A

11. Généralités sur les MAP-kinases

12. Les MAP kinases p38

13. Modulation de l'activité et de la localisation des facteurs de transcription NFAT

14. Liens Internet et références bibliographiques

 

1. La phosphorylation : généralités

C'est une modification post-traductionnelle capitale des protéines, qui intervient dans un trés grand nombre de processus cellulaires (différenciation, division, prolifération, apoptose, ...) et en particulier dans les mécanismes de signalisation.

Le processus de phosphorylation est connu depuis plus d'un siècle (Levene & Alsberg, 1906) suivi de la mise en évidence d'une phosphosérine dans la vitelline (Lipmann & Levene, 1932) puis de la première description de la phosphorylation d'une protéine (Burnett & Kennedy, 1954).

Dans les années 50, Edwin Gerhard Krebs et Edmond Fischer ont déterminé le mécanisme par lequel l'AMP sert d'activateur de la phosphorylase b dans le muscle squelettique. Ils ont constaté que l'ATP est nécessaire pour l'activation de la phosphorylase et que le calcium est un cofacteur important. Ils ont démontré que le phosphate est incorporé dans un résidu sérine spécifique de la phosphorylase b, conduisant à une forme active appelée phosphorylase a.

Ils ont confirmé que cette phosphorylation est médiée par une autre enzyme (la kinase de la phosphorylase b), elle-même contrôlée par une autre kinase dépendante de l'AMPc (la protéine kinase A). Ces données ont conduit à la notion de cascade de phosphorylation par les kinases. En 1968, Edmond Fischer a purifié la protéine kinase A.

E. Krebs et E. Fischer ont reçu le Prix Nobel en 1992.
Attention : ne pas confondre Edwin Gerhard Krebs et Hans Adolf Krebs. Ce dernier a également reçu le Prix Nobel (en 1953) pour le cycle de Krebs.

La phosphorylation induit des modifications structurales donc fonctionnelles trés importantes de la protéine cible qui ont pour conséquences (entre autres) :

  • une augmentation ou une inhibition de son activité enzymatique
  • un changement de sa localisation cellulaire dans certains cas (facteurs de transcription par exemple)
  • l'association avec d'autres protéines

La phosphorylation est une modification qui est réversée par la déphosphorylation catalysée par les protéines phosphatases.

La phosphorylation est la réaction d'estérification de la chaîne latérale de la sérine, de la thréonine ou de la tyrosine (chez les Eucaryotes), par addition d'un ou plusieurs groupement(s) phosphate.

biochimej phosphorylation tyrosine protein kinase biochimej

Chez les Eucaryotes, le taux de phosphorylation de la sérine, de la thréonine ou de la tyrosine est respectivement de 1000 / 100 / 1.

biochimej serine threonine protein kinase biochimej

Bien que quantitativement moins importante, la phosphorylation de la tyrosine a une incidence biologique importante. Par exemple, l'activité d'un grand nombre de facteur de croissance est contrôlée par la phosphorylation de cet acide aminé.

Autres acides aminés phosphorylés

  • Chez Bacillus subtilis, l'arginine de certaines protéines est phosphorylée (formation d'une N(ω)-phospho-L-Arg) par la McsB-kinase. Cette modification de résidu Arg indique que la protéine est destinée à la dégradation par le complexe ClpCP (constitué de la protéase ClpP et de la protéine "unfoldase" ClpC - complexe caractéristique des bactéries Gram +). Voir Trentini et al. (2016).
  • L'histidine est phosphorylée par les histidine protéine kinases (EC 2.7.13.3 - formation d'une N-phospho-L-His).

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2. Mécanisme catalytique des protéines kinases

a. Schéma catalytique de la phosphorylation par les protéines kinases

Les protéines kinases catalysent les réactions de phosphorylation. Elles catalysent le transfert du groupe phosphoryle en position γ de l'ATP sur le groupement OH de la sérine, de la thréonine ou de la tyrosine des protéines cibles :

protéine (S/T ou Y)-OH + ATP4-.Mg2+ -> protéine (S/T ou Y)-O-PO32- + ADP3-.Mg2+ + H+

Rappel : EC 2 = transférases - EC 2.7 = transfert de groupe contenant un phosphore.

Des études cinétiques dans des solvants de viscosités différentes permettant de distinguer les étapes de liaison et de dissociation des étapes catalytiques chimiques ont montré que l'étape catalytique est rapide (k3 ∼ 300 à 500 s-1). La libération des produits est relativement lente (k4 ∼ 20 à 30 s-1) et constituerait l'étape limitante.

biochimej schema catalytique catalytic scheme protein kinase

  • E représente la protéine kinase, S la protéine substrat et P la protéine produit
  • k3 est la constante de vitesse de l'étape catalytique de transfert du groupe phosphoryle
  • k4 est la constante de vitesse de l'étape catalytique de dissociation des produits

Voir le détail du mécanisme catalytique de la protéine kinase FAK-1.

Représentation simplifiée du mécanisme catalytique de la phosphorylation par les protéines kinases

La réaction comporte 3 étapes principales :

  • (i) l'orientation des substrats
  • (ii) l'attaque nucléophile par le groupement hydroxyle du substrat protéique suivi d'une catalyse base générale par l'aspartate du site catalytique
  • (iii) catalyse acide générale pour le transfert du proton

Ci-dessous : la réaction est décrite à partir du complexe [enzyme/substrat], via l'état de transition (au centre) jusqu'aux complexe [enzyme/produit].

biochimej schema catalytique catalytic scheme protein kinase etat transition state

Source : Endicott et al. (2012)

Le groupe OH de la [Ser/Thr ou Tyr] de la protéine substrat (en vert) est orienté de sorte que la paire d'électrons de l'oxygène est alignée, via le phosphore γ, à l'oxygène [Pβ-O-Pγ] de l'ATP.

L'état de transition implique un intermédiaire métaphosphate dans lequel la rupture de la liaison [Pβ-O...Pγ] de l'ATP est bien avancée, tandis que la liaison nucléophile "naissante" liant le groupe phosphoryle γ ne fait que commencer.

La charge négative du phosphate γ est compensée par les ions Mg2+ et le groupement aminé d'une lysine (K168).

Quand la réaction se déroule, l'acidité du groupement hydroxyle substrat augmente et son pKa devient plus bas que le pKa de l'aspartate catalytique voisin, ce qui permet le transfert d'un proton du groupement hydroxyle (pKa normal ∼12) à l'aspartate (pKa normal ∼ 4.5). Ce proton est probablement transféré par la suite au dianion phosphate du produit, ce qui restaure l'état carboxylate de l'aspartate catalytique.

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b. Inhibition des protéines kinases et développement de médicaments

L'imatinib est le premier inhibiteur de kinases ayant reçu l'approbation par l'agence américaine "US Food and drug Administration" (FDA) en 2001. L'imatinib inhibe la tyrosine kinase d'Abelson (ABL) exprimée sous forme d'une protéine de fusion dérégulée (appelée BCR-ABL) dans presque tous les cas de leucémie myéloïde chronique.

Bien que le fasudil (un inhibiteur des protéines kinases RHO-dépendantes) et la rapamycine (sirolimus, un inhibiteur de la protéine kinase TORC1) aient été approuvés avant 2001, ces composés ont été développés et approuvés sans connaître l'identité de leur cible protéique. L'imatinib a donc été le premier médicament développé en ciblant une protéine kinase spécifique.

La figure ci-dessous est une chronologie des événements importants dans le développement et l'approbation d'inhibiteurs de kinase depuis 2001.

biochimej inhibiteur protein kinase inhibitor inhibition imatinib

Source : Cohen et al. (2021)

Les protéines kinases et les gènes qui les codent sont donc des cibles thérapeutiques majeures pour lutter contre un très grand nombre de pathologies très graves. Les inhibiteurs de la kinase du récepteur du facteur de croissance épidermique ("Epidermal Growth Factor Receptor" - EGFR) illustrent le développement d'inhibiteurs dont la structure de mieux en mieux adaptées améliore leurs propriétés thérapeutiques.

biochimej inhibiteur protein kinase inhibitor inhibition generation EGFR

Source : Cohen et al. (2021)

  • Les inhibiteurs de 1ère génération (exemples : géfitinib et erlotinib) ont une structure centrale de type anilinoquinazoline et se lient de manière compétitive (réversible) avec l'ATP.
  • Les inhibiteurs de 2é génération (exemples : afatinib et dacomitinib) ont une structure centrale quinazoline et contiennent en plus une "ogive" covalente ("covalent warhead") qui établit une liaison irréversible : cette particularité augmente la puissance mais aussi la toxicité de ce type d'inhibiteur.
  • Les inhibiteurs de 3è génération (exemples : osimertinib et olmutinib) contrecarrent la haute affinité de l'EGFR muté (T790M, mutation acquise par résistance) pour l'ATP. Ils contiennent une "ogive covalente" et un squelette central pyrimidine dont la structure est notablement distincte de celle dérivée de la quinazoline : elle permet d'optimiser la liaison (irréversible) dans le domaine catalytique où se situe la mutation T790M.

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3. Les familles de protéines kinases

Les kinases sont classées en groupes eux-mêmes contenant plusieurs familles. Les 27 familles de protéines kinases constituent l'une des plus vastes et importantes super-familles de protéines.

  • Elles représentent environ 2% des gènes dans bon nombre de génomes d'Eucaryotes.
  • Elles interviennent dans la régulation de la plupart de toutes les voies métaboliques et de tous les processus cellulaires.
  • Elles semblent phosphoryler environ 30% du protéome !
  • près de 2000 kinases sont potentiellement codées par le génome de l'homme, dont un très grand nombre sont le fruit de l'épissage d'un même gène.
  • près de 3000 structures tri-dimensionnelles sont recensées dans la PDB rien que pour EC 2.7.10 et EC 2.7.11.
  • Rappel : EC 2 = transférases - EC 2.7 = transfert de groupe contenant un phosphore.
Il existe de nombreuses bases de données dédiées aux protéines kinases et/ou aux protéines phosphorylées.

Base de données
(liste non exhaustive)

Protéines (en 2016)

Nombre de sites de phosphorylation pS pT pY
dbPAF 54148 483001 318016 108615 56370
Phospho.ELM 9.0 10601 41070 30653 7232 3185
dbPTM 3.0 24601 147851 102310 28797 16744
PHOSIDA 15924 64118 51318 10782 2018
PhosphositePlus 37568 310779 194217 69647 46915
PhosphoPep 2.0 16234 75278 57762 13492 4024
PhosphoGRID 2.0 3121 19831 14871 4343 617
SysPTM 2.0 13867 54224 41875 9126 3223
HPRD 9 8280 51733 36052 11388 4293
UniProt 14904 50713 42189 6943 1581
Source : Ullah et al. (2016)

protéines tyrosine kinases protéines sérine / thréonine kinases (EC 2.7.11.1)

Les protéines tyrosine kinases recencées dans le génome humain forment une trés vaste famille multigènique.

Les protéines tyrosine kinases sont divisés en 2 groupes :

a. les protéines tyrosine kinases cytoplasmiques (EC 2.7.10.2).

b. les protéines tyrosine kinases récepteurs transmembranaires ("transmembrane receptor-linked kinases" / EC 2.7.10.1 - EC 2.7.1.112).

Exemple : le récepteur de l'insuline.

Elles sont constituées d'un domaine extracellulaire qui fixe un ligand spécifique, d'un domaine transmembranaire et d'un domaine catalytique intracellulaire qui fixe et phosphoryle les protéines cibles.

La fixation du ligand au domaine extracellulaire entraîne des modifications structurales des protéines tyrosine kinases, ce qui les activent.

Quelques exemples :

  • les protéines kinases regulées par les nucléotides cycliques (AMP cyclique - GMP cyclique) : protéine kinase A (PKA) & protéine kinase G
  • la protéine kinase activée par le diacylglycérol : protéine kinase C (PKC)
  • les MAP kinases ("Mitogen-activated protein kinases" - EC 2.7.11.24) : ERK ("Extracellular signal-Regulated Kinase"), c-jun N-terminal kinase, MAP kinase p38
  • les protéines kinases [calcium - calmoduline] dépendantes (CaM kinases) chez les animaux
  • les protéines kinases calcium dépendantes (CDPK - "Calcium-Dependent Protein Kinases") chez les plantes et les protozoaires

protéines histidine kinases (EC 2.7.13.3)

Elle n'ont pas de point commun du point de vue structural avec les autres protéines kinases et sont trouvées essentiellement chez les procaryotes et les plantes.

Elles fonctionnent en "relai" avec un résidu aspartate qui reçoit le groupement phosphoryle préalablement transféré de l'ATP sur l'histidine.

Différences avec Arabidopsis thaliana (plantes)

Le génome de Arabidopsis thaliana code pour environ 1100 protéines kinases, soit 4% des 25.500 gènes prédits. Cette proportion est donc le double de celle observée chez l'homme, chez Saccharomyces cerevisiae ou chez Caenorhabditis elegans.

Chez Arabidopsis thaliana, les protéines kinases récepteurs transmembranaires phosphorylent les résidus Ser et Thr (elles phosphorylent essentiellement les Tyr chez les animaux - voir ci-dessus).

Les deux principaux types de kinases qui médient le signal calcique chez les animaux, les protéines kinases calcium / calmoduline dépendantes (CaM kinase) et la protéine kinase C, semblent absentes ou sous-représentées chez Arabidopsis thaliana.

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4. Les spécificités de substrat et quelques motifs consensus de phosphorylation

Des analyses bioinformatiques et statistiques des séquences primaires d'un trés grand nombres de substrats de protéines kinases ont montré que les 4 acides aminés (au moins) en amont et en aval du site phospho-accepteur ont une influence sur la sélection du substrat par les protéines kinases.

Les caractéristiques physico-chimiques des chaînes latérales de ces 8 acides aminés indiquent que :

a. les protéines sérine / thréonine kinases peuvent être schématiquement classées en 3 catégories :

  • acidophiles (exemple : caséine kinase)
  • basophiles (kinases calmoduline dépendantes, PKA, PKC)
  • dirigée par la proline ("proline-directed") (exemple : MAP kinase P38, kinases cycline dépendantes)

b. les protéines tyrosine kinases sont davantage acidophiles

Exemples de motifs consensus de phosphorylation (Schwartz & Gygi, 2005)
sérine kinases thréonine kinases tyrosine kinases
RXRXXSP (cas général) TPP

T180[EPG]Y182 (MAP kinases - double phosphorylation)

EXXY
S/TPX[KR] (kinases cycline dépendantes) Y[DS]
S/TDX[DE] (caséine kinase II) YXXP

Bases de données de sites de phosphorylation Programme de pédiction de sites de phosphorylation (et bases de données)
Phospho.ELM : A database of S/T/Y phosphorylation sites KinasePhos : A web tool to computationally predict phosphorylation sites within given protein sequences
PhosPhAt : The Arabidopsis Protein Phosphorylation Site Database PlantPhos : A web tool for predicting potential phosphorylation sites in plant proteins
PhosphoSitePlus : A comprehensive resource for investigating the structure and function of experimentally determined post-translational modifications in man and mouse NetPhos 2.0 server : Produces neural network predictions for serine, threonine and tyrosine phosphorylation sites in eukaryotic proteins
PHOSIDA : Phosphorylation site database  
dbPTM : An informative resource for protein post-translational modifications Analyse du phospho-protéome
P3DB : A plant protein phosphorylation database SWISS-2DPAGE Viewer : recherche interactive dans le phospho-protéome de plusieurs organismes (analyse par spectromètrie de masse)

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5. La sous-unité calalytique des protéines kinases

La sous-unité catalytique des protéines kinases (qu'elles soit Tyr ou Ser / Thr) est extrêmement conservée du point de vue structural, ce qui permet de mettre au point un grand nombre d'inhibiteurs dans le but de traiter des maladies.

La séquence consensus du site catalytique des protéines kinases est : [LIVMFYC]-x-[HY]-x-D-[LIVMFY]-K-x(2)-N-[LIVMFYCT](3)

Les protéines kinases sont parmi les enzymes dont on dispose le plus de structures cristallographiques. 510 séquences de protéines kinases de l'homme ont été comparées et fournissent les données suivantes (Source : Kostich et al., 2002) :

  • Le sous-domaine I (acides aminés 43 à 64) : l'extrémité N-terminale des protéines kinases contient un motif riche en Gly : GXGX[FY]GXV ("Glycine-rich loop") qui forme une boucle en épingle à cheveux qui englobe la partie triphosphate de l'ATP.

biochimej site fixation ATP magnesium MAP-kinase p38 protein kinase

Figure ci-dessus : superposition des sites de fixation de l'ATP et du magnésium (magenta) de la MAP-kinase p38 (jaune) et de la protéine kinase dépendante de l'AMPc (rouge).

Source : Wilson et al. (1996)

  • Le sous-domaine II (acides aminés 65 à 83) contient une Lys conservée impliquée dans la fixation du groupement phosphate en position β de l'ATP.
  • Le sous-domaine III (acides aminés 84 à 98) contient un Glu qui établit un pont salin avec la Lys pour stabiliser sa conformation.
  • Le sous-domaine VIB (acides aminés 161 à 177) contient le motif HRD166LK168PXN171 dans le cas des protéines sérine / thréonine kinases (figure de droite ci-dessous) et le motif HRDLXARN dans le cas des protéines tyrosine kinases. L'Asp et l'acide aminé basique (Lys ou Arg) qui le suit sont impliqués dans la catalyse, c'est-à-dire la phosphorylation du substrat. L'atome d'azote en position ε de la Lys ou de l'Arg interagit avec le groupement OH de l'accepteur de groupement phosphate.

biochimej Boucle catalytique activation proteine kinase A

Figure ci-dessus : boucle catalytique et boucle d'activation de la protéine kinase A. Trois résidus catalytiques sont mis en évidence : D166, K168 et N171. Source : Kornev et al. (2008)

  • Le sous-domaine VII (acides aminés 178 à 193) contient le motif DFG impliqué également dans la catalyse. L'Asp est lié à du magnésium qui fixe 2 groupements phosphate de l'ATP.
  • Le sous-domaine VIII (acides aminés 194 à 210) contient le motif TXXYXAPE dans le cas des protéines sérine / thréonine kinases et le motif PXXWXAPE dans le cas des protéines tyrosine kinases. Ce motif est capital pour la stabilisation de différentes conformations de la boucle d'activation impliquée dans la fixation de la protéine substrat. Les acides aminés Thr et Pro se positionnent juste au dessous des acides aminés du site accepteur (Ser/Thr, Tyr). Dans le cas des protéines tyrosine kinases, la Pro force la boucle d'activation à se tourner afin d'orienter convenablement la Tyr acceptrice.
  • L'Asp du sous-domaine IX (acides aminés 211 à 240) établit une liaison hydrogène avec le groupement aminé de la chaîne des carbones α pour stabiliser la conformation de la boucle catalytique du sous-domaine VIB (acides aminés 161 à 177).
  • Une Arg du sous-domaine XI (acides aminés 261 à 297) forme un pont salin avec le Glu en position C-terminal du motif du sous-domaine VIII. Remarque : la caséine kinase 1 ne possède pas ce pont salin du fait d'une mutation du Glu en Gln.

De tous les motifs, c'est le motif riche en Gly qui est le plus variable entre les séquences de protéines kinases. Les autres sont conservés à 95%.

Remarque : la numérotation des acides aminés pour chaque sous-domaine mentionné ci-dessus est celle de la sous-unité catalytique de la protéine kinase A.

Un cas particulier : le site actif de la diacylglycérol kinase

La diacylglycérol kinase bactérienne est une protéine intégrale de la membrane qui catalyse une étape clé dans la synthèse d'oligosaccharides (la conversion du diacylglycérol en acide phosphatidique).

Elle forme un homotrimère et elle est fonctionnellement et structuralement distincte des autres kinases.

De plus sa petite taille (seulement 121 acides aminés) la rend encore plus intrigante : comment une si petite enzyme peut-elle traverser la membrane tout en structurant un site actif qui doit accommoder un substrat lipidique encombrant et une molécule d'ATP hydrophile ?

Les données cristallographiques récentes (Li et al., 2013) sont en faveur de l'hypothèse que chaque monomère "emprunte un composant structural" au monomère voisin et peut ainsi créer un site actif composite. Cet élément emprunté est une hélice amphiphile (hydrophobe et hydrophile) N-terminale. Cette hélice est stratégiquement située à l'interface entre la membrane et le cytoplasme et fournit un résidu catalytique crucial.

Figure ci-dessous : schéma de la diacylglycérol kinase dans la membrane interne de Escherichia coli. Bâtonnets oranges : acides aminés catalytiques / sphère pourpre : ion magnésium.

biochimej diacylglycerol kinase membrane ATP

Source : Zheng & Jia (2013)

L'hypothèse formulée par Li et al. (2013) est que le site actif qui lie l'ATP (jaune) et le substrat (bleu et rouge), comprend à la fois la membrane et une hélice N-terminale d'un autre monomère (vert).

La poche de fixation de l'ATP est dans la partie cytoplasmique de la protéine : elle est formée par les trois hélices transmembranaires d'un monomère et l'hélice N-terminale du monomère voisin.

La poche de liaison du substrat est formée en grande partie par la membrane. Ainsi la membrane constituerait une partie du site actif de cette enzyme.

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6. La déphosphorylation par les protéines Ser/Thr ou Tyr phosphatases

La phosphorylation est le plus souvent transitoire. Le ou les groupement(s) ajoutés sont ensuite clivés : la déphosphorylation est catalysée par les protéines phosphatases.

biochimej Reaction protein phosphatase PPP

La plupart des protéines kinases ont une phosphatase qui leur est associée. La phosphorylation - déphosphorylation est donc un mécanisme impliqué dans la régulation de l'activité biologique de certaines protéines et également un moyen de contrôler finement le flux d'une voie métabolique.

Sur la base de leur homologie de séquences en acides aminés, de leurs structures 3D et de leurs sensibilités aux inhibiteurs, les protéines phosphatases sont classées en 4 familles* :

  • les phospho-protéines phosphatases (PPP) : enzymes spécifiques des Ser/Thr phosphorylées
  • les protéines phosphatases magnésium-dépendantes (PPM) : enzymes spécifiques des Ser/Thr phosphorylées
  • Les phosphatases à aspartate : enzymes spécifiques des Ser/Thr phosphorylées
  • les protéines tyrosine phosphatases : elles peuvent déphosphoryler les 3 résidus phosphorylés ("dual specificity phosphatases"). Exemple : les MAP kinase phosphatases.

Bien qu'il y ait peu d'homologie entre les séquences en acides aminés des protéines Ser phosphatases et des protéines Thr phosphatases, la structure de leur domaine catalytique est similaire. Elle est en revanche trés différente de la structure des protéines Tyr phosphatases.

*On trouve de nombreuses classifications selon les sources qui ne regroupent pas les phosphatases selon les mêmes critères.

Figure ci-dessous : comparaison des 3 familles de protéines Ser/Thr phosphatases.

biochimej Classification protein phosphatase PPP

Source : Shi Y. (2009)

Légende de la figure ci-dessus : toutes les protéines sont d'origine humaine sauf PP7 (Arabidopsis thaliana).

  • PPP : phospho-protéines phosphatases
  • PPM : protéines phosphatases magnésium-dépendantes
  • phosphatases à aspartate : FCP ("TFIIF-associating component of RNA polymerase II CTD phosphatase") et SCP ("small CTD phosphatase")
BBH : hélice de fixation de CNB AI : séquence auto-inhibitrice
CTD : domaine C-terminal TPR : "tetratricopeptide repeat"
CBD : motif de fixation de la calmoduline FCPH : domaine homologue à FCP

Les séquences des motifs signature sont indiquées au dessus des diagrammes. Les domaines catalytiques de chaque protéine sont indiqués en dessous des diagrammes.

Les familles PPP et PPM contiennent 3 motifs caractéristiques au sein du domaine catalytique conservé : GDxHG, GDxVDRG, et GNHE.

Les acides aminés impliqués dans la coordination au métal et dans la fixation du phosphate sont colorés en rouge et en bleu, respectivement.

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Différentes phosphatases et leur nomenclature

  • PP1 : protéines Ser/Thr phosphatase de type 1
  • PP2A, PP2B, PP2C : protéines Ser/Thr phosphatases de type 2A, 2B et 2C
  • PP4 (ou PPX), PP5, PP6 (homologue de Sit4 de la levure), PP7 : protéines Ser/Thr phosphatases de type 4 à 7, respectivement

A l'exception de PP2B et PP2C, elles sont inhibées spécifiquement par les microcystines (famille de toxines peptidiques cyclique des cyanobactéries).

Les protéines Ser/Thr phosphatases de type 1 (PP1)

Ce sont des phosphatases majeures et ubiquitaires dans toutes les cellules eucaryotes.

Chaque PP1 est constituée d'une sous-unité catalytique et d'une sous-unité régulatrice R.

Les séquences des sous-unités catalytiques sont très conservées au sein des eucaryotes (environ 70% ou plus d'identité de séquences).

Elles ont une structure 3D conservée.

 

Plus de 100 sous-unités régulatrices ont été identifiées.

L'analyse des sous-unités R d'un grand nombre d'eucaryotes suggère un accroissement du nombre de sous-unités R concomitant avec l'évolution des organismes multicellulaires.

Les sous-unités R pourraient :

  • adresser la sous-unité catalytique à des compartiments cellulaires spécifiques
  • moduler la spécificité de substrat
  • ou même servir de substrat elles-mêmes

Les associations in vivo des sous-unités catalytiques de PP1 (ou de PP2A) avec différentes sous-unités R génèrent un vaste ensemble de protéines appelées holoenzymes. Ces holoenzymes sont différentiellement exprimées.

En conséquence, les interactions entre ces deux types de sous-unités sont capitales pour les trés nombreux processus cellulaires dans lesquels les PP1 sont impliquées :

Structure de la sous-unité catalytique de PP1

biochimej Structure protein phosphatase PP1

Source : Shi Y. (2009)

  • la sous-unité catalytique de PP1 (en bleu) adopte une structure repliée compacte de type α/β, avec un "sandwich" β calé entre 2 domaines riches en hélices.
  • les 3 domaines ("sandwich" β, petit et grand domaines hélicaux) forment un "sillon" en forme de "Y" (en rose) : le point de convergence correspond au site actif.
  • le site actif contient deux cations : Mn2+ et Fe2+ (petites sphères rouges). Les deux cations fixent et activent une molécule d'eau qui est à l'origine de l'attaque nucléophile de l'atome de phosphore.
  • un inhibiteur, l'acide okadaïque (dérivé d'acide gras) est fixé à la sous-unité catalytique (en jaune) .

Remarque : la calcineurine ou PP2B met en jeu un ion Fe3+ et un ion Zn2+.

biochimej Residus conserves de la phosphatase PP1

Source : Shi Y. (2009)

  • A gauche : schéma de coordination des deux cations de PP1. 3 His, 2 Asp et 1 Asn établissent des liaisons de coordination avec ces deux cations.
  • A droite : alignement de ces 6 acides aminés de PP1 et de ceux des autres membres de la famille PPP. Ces acides aminés sont très conservés chez tous les membres de la famille PPP, ce qui suggère un mécanisme commun de réaction catalysée par un métal.

Remarque : les protéines tyrosine phosphatases mettent en jeu une cystéine qui forme un intermédiaire phospho-cystéine avant l'attaque nucléophile de l'atome de phosphore par une molécule d'eau.

Figure ci-dessous : structure du domaine catalytique de PP1 (en bleu) lié à la sous-unité régulatrice de la protéine d'adressage de la phosphatase de la myosine (MYPT1 - en vert).

biochimej Site catalytique protein phosphatase PP1

Source : Shi Y. (2009)

3 motifs de MYPT1 sont impliqués dans les interactions :

  • le motif VxF qui se fixe à la surface hydrophobe conservée de PP1 (vue détaillée en encart)
  • un domaine ankyrine qui coiffe l'extrémité C-terminale de PP1
  • une hélice hydrophobe N-terminale qui s'empile sur la surface de PP1

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7. Mécanisme d'activation de certaines protéines kinases

Chaque protéine kinase dans la figure ci-dessous possède une sous-unité régulatrice (R) qui contient un domaine pseudo-substrat mimant un substrat réel. Ce domaine pseudo-substrat occupe le site catalytique de la sous-unité catalytique (C) et l'inhibe.

biochimej Mecanisme d'activation de certaines proteines kinases

Source : "ADN recombinant" Watson et al. (1994) - Ed. DeBoeck

  • Dans le cas des protéines kinases AMPc dépendantes, les sous-unités régulatrices (et donc le domaine pseudo-substrat) sont distinctes des sous-unités catalytiques.
  • Dans le cas des protéines kinases calcium / calmoduline dépendantes et de la protéine kinase C, le domaine pseudo-substrat fait partie de la chaîne polypeptidique globale qui constitue la kinase.

Dans chacun des cas, la fixation des ligands qui activent ces kinases induit un changement de structure qui dissocie le domaine pseudo-substrat du site catalytique.

Voir une animation de l'activation des protéines kinases A par l'AMPc.

Ces ligands sont respectivement l'AMP cyclique (AMPc), la calmoduline et le diacylglycérol (DAG).

Les protéines tyrosine kinases peuvent s'autophosphoryler au niveau du segment d'activation de leur domaine kinase. Ce processus induit un changement de conformation qui les active.

Exemples de domaines de fixation dépendants de la phosphorylation : protéines 14-3-3, "Src homology 2" (SH2), "phosphotyrosine binding" (PTB), "BRCA1 C-terminal" (BRCT).

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8. Les protéines kinases calcium/calmoduline dépendantes ou CaM kinases II (animaux)

Quand la calmoduline a fixé 4 ions calcium, elle adopte une nouvelle conformation qui lui permet d'interagir avec d'autres protéines cibles afin de les activer.

En particulier, la kinase II calcium/calmoduline-dépendante ou CaM-kinase II (EC 2.7.1.123) :

  • Elle fait partie d'une sous-famille des Ser/Thr kinases qui contient (entre autres) : la CaM-kinase I, la CaM-kinase IV, la phosphorylase kinase, la kinase de la chaîne légère de myosine.
  • Elle intervient dans la stimulation des synapses des neurones. Dans certaines régions du cerveau, elle représente jusqu'à 2% des protéines totales. L'activation de la CaM kinase II semble liée aux processus de la mémoire et de l'apprentissage.
  • La CaM kinase II est un complexe de 12 sous-unités avec une masse molaire estimée de 550 à 660 kDa.
  • Il existe 4 isoformes de CaM kinase II codées par des gènes distincts : isoforme α - 478 acides aminés - 54 kDa / isoforme β - 60 kDa / isoformes γ et δ.

La CaM kinase II possède :

biochimej Structure de la CaM kinase II

  • un domaine N-terminal catalytique (domaine kinase - acides aminés 1 à 315)
  • un domaine de régulation auto-inhibiteur (acides aminés 346 à 478)
  • un domaine d'association entre les 12 sous-unités du complexe

Visualisation de la Cam-kinase II de Homo sapiens à une résolution de 2,3 Å (2010).

PDB : 2VZ6

biochimej fixation calmoduline CaM kinase II

a. La fixation de la calmoduline (compléxée au calcium) au domaine de régulation de la CaM-kinase II lève le pouvoir auto-inhibiteur de ce domaine et active le domaine catalytique.

b. La CaM-kinase II ainsi activée s'autophosphoryle sur la thréonine 286.

c. Une diminution du taux de Ca2+ entraîne une dissociation de la calmoduline de la CaM-kinase II, cette dernière demeurant active.

d. L'hydrolyse du groupement phosphate du domaine auto-inhibiteur par la protéine phosphatase 1 inactive de nouveau la CaM-kinase II.

e. La protéine kinase A régule l'activité déphosphorylante de la protéine phosphatase 1.

L'un des meilleurs motifs consensus de phosphorylation par les CaM-kinases est : [basique-basique-X-basique]-hydrophobe-X(4)-S/T-X-basique (où X est n'importe quel acide aminé).

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9. Les protéines kinases calcium dépendantes - CDPK (plantes)

Chez les plantes et les protozoaires, les protéines kinases calcium dépendantes (" Calcium-dependent protein kinases" - CDPK - EC 2.7.11.1) médient le signal calcique.

  • Il semble que le génome de Arabidopsis thaliana contient 34 gènes codant cette enzyme.
  • Riz : MM CDPK = 56,7 kDa / 514 acides aminés / pI = 5,18

Les CDPK sont des des Ser/Thr kinases. Elles ont une structure hautement conservée.

Leur structure est différente de celle des CaM kinases. En effet, les CDPK possèdent (figure ci-dessous) :

biochimej Protein kinase calcium dependante CDPK plant

  • une extrémité N-terminale ("N") trés variable.
  • un domaine catalytique (domaine kinase).
  • un domaine de "jonction" autoinhibiteur ("A"). L'inhibition a lieu en absence de calcium.
  • un domaine de régulation C-terminal qui ressemble à la calmoduline (noté "CaM-like"). Ce domaine contient 4 motifs de fixation du calcium "EF-hands".

En conséquence, les CDPK sont activées directement par le calcium sans l'intervention de calmoduline exogène.

Le mécanisme d'activation des CDPK est trés semblable à celui des CaM-kinases.

Comme le domaine catalytique des CDPK est hautement homologue de celui des CaM kinases d'animaux (exemple : 44% et 43% d'identité avec, respectivement, la CaM-kinase II α et β de souris), on suppose que les CDPK résultent de la fusion de gènes codant une CaM kinase et une calmoduline.

Les différences de séquences en acides aminés entre les isoformes des CDPK sont principalement observées au niveau de l'extrémité trés variable du domaine N-terminal. Ces différences sont aussi liées à l'existence de nombreux sites de modification post-traductionnelle par des acides gras (myristoylation et palmitoylation) qui servent à ancrer les CDPK dans la membrane.

Spécifité de substrats des CDPK : voir un tableau des cibles potentielles.

L'un des meilleurs motifs consensus de phosphorylation par les CDPK est : [basique-hydrophobe-X-basique]-X(2)-S-X(3)-hydrophobe-basique (où X est n'importe quel acide aminé).

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10. La protéine kinase A

La protéine kinase A (Ser/Thr protéine kinase) est contrôlée par l'AMP cyclique (figure ci-dessous) synthétisé par l'adénylate cyclase.

proteine kinase phosphorylation biochimej AMP cyclique

En son absence, la protéine kinase A est sous forme d'un tétramère constitué de deux types de sous-unités (2 sous-unités catalytiques et 2 sous-unités régulatrices - R2C2) :

  • Les sous-unités régulatrices bloquent le site actif des sous-unités catalytiques.
  • La fixation de l'AMPc aux sous-unités régulatrices induit leur dissociation du tétramère, libérant ainsi les sous-unités catalytiques actives.

Exemple de cascade de phosphorylation : la glycogènolyse.

La protéine kinase A est impliquée dans la régulation de la synthèse du glycogène.

biochimej proteine kinase phosphorylation glycogenolyse

Exemples de protéines phosphorylées : la glycogène synthase et la glycogène phosphorylase des cellules hépatiques en réponse au relarguage du glucagon du pancréas.

La phosphorylation :

  • Inhibe l'activité de la glycogène synthase, donc arrète la synthèse de glycogène.
  • Augmente l'activité de la glycogène phosphorylase, donc active la dégradation du glycogène.
  • Ces deux évènements ont pour conséquence une augmentation du taux de glucose hépatique dans le sang.

La protéine kinase A phosphoryle les protéines sur un résidu Ser ou Thr contenu dans un motif consensus : R-X-X-S/T (X est n'importe quel acide aminé).

Les sous-unités catalytiques de la protéine kinase A peuvent être régulées par phosphorylation. Mais l'activation de la protéine kinase A est essentiellement contrôlée par un mécanisme de rétro-inhibition :

  • En effet, la phosphodiestérase est phosphorylée par la protéine kinase A.
  • Or la phosphodiestérase catalyse la conversion de l'AMPc en AMP réduisant ainsi le taux susceptible d'activer la protéine kinase A.

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11. Généralités sur les MAP-kinases

Les voies de signalisation qui impliquent la famille des MAP kinases ("Mitogen-activated protein kinases" - MAPK) transforment des stimuli extracellulaires en réponses intracellulaires par le biais d'un grand nombre de types de récepteurs, tels que :

Les MAPK régulent de manière coordonnée la prolifération cellulaire, la différenciation, la mobilité et bien d'autres processus : voir la figure interactive du site Biocarta.

Chez les mammifères, on comptabilise actuellement 5 groupes de MAPK :

biochimej MAP-kinase mitogen-activated protein kinase

Source : Cargnello & Roux (2011)

  • ERK1/2 ("Extracellular signal-Regulated Kinases 1 & 2")
  • JNK 1 à 3 ("c-Jun N-terminal kinase") : 3 isoformes JNK1, JNK2 et JNK3 ("Stress-Activated Protein Kinase" - SAPK-γ, SAPK-α et SAPK-β, respectivement)
  • ERK5 ("Extracellular-signal-regulated kinase 5")
  • MAP kinases p38 : isoformes α, β, γ et δ
  • atypiques : ERK3/4, ERK7/8, "Nemo-like kinase" (NLK)

Chaque MAPK possède ses propres substrats, activateurs et inactivateurs :

  • elles sont phosphorylées par les (MAP kinase)-kinases (MAPK-K)
  • elles phosphorylent diverses cibles, en particulier les protéines kinases activées par les MAP-kinases ("(MAP kinases)-activated protein kinases" - MAPK-APK)
  • elles sont déphosphorylées et inactivées par plusieurs (MAP kinases)-phosphatases (MKP)
Exemples de cascade de signalisation de différentes MAPK chez les mammifères
Stimulus Facteur de croissance Intégrine Stress oxydatif IL-1
Activateur Ras-GTP Rac1 Src TRAF6-TAB1/2

MAPK kinase kinase
(MAPK - KK)

c-Raf1 MEKK1 MEKK2 TAK1
MAPK kinase
(MAPK - K)
MKK1 MKK4 MKK5 MKK6
MAPK ERK1 JNK1 ERK5 p38-α
Substrat Rsk 90 c-Jun MEF2 MNK1

Vue la complexité de la terminologie des MAPK, voici quelques exemples de synonymes
MAP kinase 1 : MAPK1, ERK2 , p42MAPK (gène MAPK1) MAP kinase 11 : MAPK11, p38 beta, SAPK2B
MAP kinase 3 : MAPK3, ERK1, p44MAPK (gène MAPK3) MAP kinase 12 : MAPK13, p38 gamma, SAPK3
MAP kinase 4 : MAPK4, ERK4, p63MAPK (gène MAPK4) MAP kinase 13 : MAPK13, p38 delta, SAPK4
MAP kinase 6 : MAPK6, ERK3, p97MAPK (gène MAPK6) MAP kinase 14 : MAPK14, p38 alpha, SAPK2A

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Mécanisme d'activation des MAP-kinases

a. Interaction d'empilement ("docking interaction")

Les protéines qui interagissent avec les MAPK (leurs protéines substrat, leurs kinases et leurs phosphatases) possèdent des régions appelées domaines ou sites d'empilement ("docking sites" ou "D-sites") qui médient leurs interactions.

Les sites d'empilement sont de courts segments d'acides aminés :

biochimej Sequence site empilement docking site protein kinase interaction

Source : Ho et al. (2006)

  • Le domaine D (ou site D ou domaine δ ou domaine DEJL) dont la séquence consensus est : [KR]2-3-X2-6A-X-ΦB où ΦA et ΦB sont des acides aminés hydrophobes.
  • Le domaine DEF ("Docking site for ERK, FXFP" ou site F ou site DEF) identifié chez des substrats de ERK1/2 : [F/Y]-X-[F/Y]-P.
  • Le domaine CD ("C-terminal common docking") : acides aminés acides et acides aminés hydrophobes suivi du doublé TT ou ED.

Voir : Whisenant et al. (2010)

Figure ci-dessous : exemple d'interactions d'empilement via le domaine d'empilement ("CD domain") d'une MAPK de la famille ERK.

biochimej Regulation MAP kinase domain site empilement docking interaction

ERK2 : "Extracellular-signal-regulated kinase 2"; MEK1 : [MAPK/ERK kinase 1] ou MAPK-K1.

Presque toutes les protéines qui interagissent avec les MAPK (leurs substrats et les MAPK-K) possèdent un motif conservé ("MAPK-docking site" - figure ci-dessous) responsable de cette interaction avec le domaine d'empilement (voir un article sur l'interaction ERK2 / caspase).

Le point important est que ce motif se trouve en dehors du domaine catalytique (kinase ou phosphatase). L'interaction protéine - protéine des MAPK et de ces molécules n'est donc pas semblable à l'interaction enzyme-substrat "classique" observée au niveau d'un site actif.

biochimej MAP kinase docking

En haut : position du motif dans le cas des MAPK-K; au milieu : position du motif dans le cas des MAPK-APK; en bas : position du motif dans le cas des MKP.

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b. L'échaffaudage ("scaffolding")

Les protéines d'échaffaudage s'associent simultanément aux différents composants de la voie de signalisation des MAPK.

Exemple : chez la levure, la protéine d'échaffaudage ("scaffold protein") Ste5 possède un site de fixation pour la MAPK-KK (Ste11), un site de fixation pour la MAPK-K (Ste7) et un site de fixation pour la MAPK (Fus3).

biochimej Scaffolding Map kinase

La MAPK-KK active la MAPK-K qui à son tour active la MAPK. De plus, Ste5 change la conformation de la MAPK Fus3, ce qui permet qu'elle soit phosphorylée et activée par la MAPK-K Ste7.

 

Autre exemple :

biochimej Scaffolding

  • JIP : "JNK-interacting protein"
  • MKK7 : MAP kinase kinase 7
  • JNK : "c-Jun N-terminal kinase"

Voir : Dhanasekaran et al. (2007)

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12. Les MAP kinases p38

Les MAP kinases p38 ("Mitogen-activated protein kinase p38") des mammifères sont activées par de nombreux stress cellulaires (lipopolysaccharides, choc osmotique, exposition aux ultra-violets) mais aussi en réponse à des cytokines liées à l'inflammation.

La sous-famille des MAP kinases p38 contient 4 membres : p38α, p38β, p38γ et p38δ. Elles ont une homologie de séquence d'environ 60%.

Cependant, elles différent quant à leurs profils d'expression, leurs spécificités de substrat et leurs sensibilités aux inhibiteurs chimiques tel que le SB203580.

L'activité des MAP kinases p38 est capitale pour une réponse immunitaire et inflammatoire normales : en effet, la voie de signalisation des MAP kinases p38 est un élément clé de la régulation de la biosynthèse des cytokines pro-inflammatoires au niveau transcriptionnel et traductionnel.

En conséquence, nombre de molécules impliquées dans cette voie sont des cibles thérapeutiques pour la mise au moint de médicaments contre certaines maladies auto-immunes et contre l'inflammation.

Des études plus récentes ont montré un rôle plus large encore des MAP kinases p38 puisqu'elles participent au contrôle du cycle cellulaire et du remodelage du cytosquelette.

La MAP-kinase p38 (p38 MAPK dans la figure ci-dessous) est activée par phosphorylation de la Thr 180 et de la Tyr 182 par les kinases MKK3 et SEK.

biochimej Voies de signalisation de la MAP-kinase p38

Source : "Cell signaling"

La MAP-kinase p38 ainsi modifiée phosphoryle à son tour et active la MAPK-APK 2 (voir ci-après) qui active un certain nombre de facteurs de transcription dont ATF-2.

Activation des MAP-kinases par d'autres kinases

La voie des MAP-kinase p38 et les processus auxquelles elles sont liés, impliquent le fonctionnement d'une autre famille de kinases dont on découvre de plus en plus de membres : les protéines kinases activées par les MAP-kinases ("(MAP kinases)-activated protein kinases" - MAPK-APK) qui sont des sérine/thréonine kinases.

Elles répondent à des stimuli mitogènes ou des stress via une phosphorylation dirigée par une proline ("proline-directed phosphorylation"). Cette activation du domaine kinase des MAPK-APK est catalysée par des kinases 1 and 2 et des MAP kinases p38 qui sont elles-mêmes régulées par des signaux extracellulaires.

On compte au moins 11 MAPK-APK chez les vertébrés, réparties en plusieurs sous-familles :

  • les "ribosomal S6 kinases"
  • les "mitogen-activated kinases" et les "stress-activated kinases"
  • les "(MAP kinase)-interacting kinases"
  • les "(MAP kinase)-activated protein kinases" 2 et 3
  • les "(MAP kinase)-activated protein kinases" 5

Elles semblent jouer un rôle important dans la traduction des ARN messagers, la prolifération cellulaire et la réponse au niveau du noyau à des agents mitogènes ou des stress cellulaires.

Illustration de la régulation de l'expression des gènes de l'inflammation par la MAP-kinase p38 et la MAPK-APK 2 (dénommée MK2 dans la figure ci-dessous). Les ARN messagers qui ont un "turn-over" rapide contiennent souvent des éléments riches en A et U ("AU-rich elements" - ARE) dans la partie 3' non traduite.

biochimej expression des genes de l'inflammation par la MAP-kinase p38 et la MAPK-APK 2

Source : Schindler et al. (2007)

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13. Modulation de l'activité et de la localisation des facteurs de transcription NFAT ("Nuclear Factor of Activated T cells")

La phosphorylation et la déphosphorylation modulent l'activité de certains facteurs de transcription en les activant directement (exemple : facteur AP-1) et en modifiant leur localisation cellulaire (exemple : facteurs NFkB et NFAT).

NFAT est une famille de facteurs de transcription : NFAT1 (NFATc2 ou NFATp); NFAT2 (NFATc1 ou NFATc); NFAT3 (NFATc4); NFAT4 (NFATc3 ou NFATx).

Le facteur de transcription NFAT3 est impliqué dans la formation des adipocytes et dans la régulation de l'expression du gène PPAR-γ2.

biochimej Modulation de l'activite et de la localisation des facteurs de transcription NFAT

Source : "Biochimie des protéines"

Sa localisation cellulaire dépend de la phosphorylation des sérines en position 168 et 170 par la MAP-kinase p38.

  • La phosphorylation massive du facteur NFAT par des kinases (telles que GSK-3 ou CK1) le rend inactif et dans ce cas il est localisé dans le cytoplasme.
  • Un accroissement du taux de calcium intracellulaire active la sérine-phosphatase calcineurine calcium/calmoduline-dépendante qui déphosphoryle NFAT. Ce dernier est déplacé dans le noyau où il active la transcription des gènes cibles.
  • La ciclosporine A (polypeptide cyclique lipophile) et FK506 sont des drogues immuno-suppresseurs qui inhibent la calcineurine. En conséquence, leur action est de confiner les protéines NFAT dans le cytoplasme.

 

14. Liens Internet et références bibliographiques

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Logiciel de prédiction en ligne : "pkaPS - Prediction of protein kinase A phosphorylation sites using the simplified kinase binding model"

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