Caractéristiques et moyens d'étude des interactions entre macromolécules biologiques |
Préambule 1. La relation structure - fonction des macromolécules biologiques 2. Notions d'interactomes 3. Caractéristiques et paramètres clés des interactions entre molécules biologiques 4. Quantification de l'interaction entre macromolécules biologiques a. Constantes d'équilibre d'association KA et de dissociation KD 5. Les protéines ou régions intrinsèquement désordonnées (IDP/IDR) a. Introduction et définitions 6. Quelques méthodes pour prouver les interactions protéine-protéine a. La technique de complémentation double-hybride |
7. La purification par chromatographie d'affinité couplée à la spectromètrie de masse ("AP-MS") 8. Application de la fluorescence à l'analyse des macromolécules biologiques
9. La technique du FRET appliquée aux molécules biologiques
10. Le FRET appliquée à l'étude de molécule unique ("single-molecule FRET") a. Introduction 11. La technique FISH 12. Liens Internet et références bibliographiques |
Préambule Les interactions entre molécules au sein de la cellule et à la surface de la cellule sont l'élément clé de tous les processus cellulaires, donc de la vie. En effet, il n'est pas un évènement qui se déroule dans une cellule ou à sa surface (reconnaissance et communication, réactions biochimiques, voie de signalisation, transports, processus plus globaux, ...) qui ne mette en jeu la rencontre (collision) suivie d'une éventuelle interaction entre molécules. Cette rencontre est contrôlée notamment par : a. Les molécules d'eau dans la cellule :
b. La concentration très élevée des molécules biologiques : 100 - 450 mg.mL-1 (5 - 40 % du volume cytoplasmique) / 300 - 400 mg.mL-1 chez E. Coli. Or la concentration régit la vitesse des molécules donc la fréquence de leurs collisions efficaces (celles qui débouchent sur l'action attendue de cette rencontre). Source : Feig et al. (2017) c. Les entités cellulaires macroscopiques (membranes, cytosquelette) qui délimitent et confèrent leur structure à certaines cellules. d. La compartimentation de certaines cellules en organites :
e. Les condensats biomoléculaires ("biomolecular condensates") au sein de quasiment tous les types de cellules (procaryotes et eucaryotes) :
Source : Goodsell & Lasker (2023)
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1. La relation structure - fonction des macromolécules biologiques a. Les différents types de ligands La molécule qui se fixe sur une autre macromolécule biologique est appelée ligand de manière générique. Un ligand peut être n'importe quel type de molécule biologique :
b. Propriétés physico-chimiques des macromolécules biologiques qui modulent et contrôlent leurs interactions Les interactions physiques entre les molécules d'une cellule ou d'un compartiment sub-cellulaire traduisent, entre autre, l'aptitude structurale de ces molécules à se reconnaître.
Exemples :
c. Forces de liaison qui maintiennent la structure des macromolécules Ces forces sont non covalentes ou covalentes (ponts disulfures dans le cas des protéines) et très variées en nombre et du point de vue énergétique. Dans le cas des protéines, ces forces sont intimement liées aux propriétés physico-chimiques des résidus d'acides aminés donc liées aux conditions cellulaires (pH, température, viscosité, pression). Tous ces paramètres physico-chimiques sont maintenus relativement constants dans la cellule.
Ces paramètres physico-chimiques contrôlent ces équilibres, donc la flexibilité ou dynamique conformationnelle de toutes les molécules biologiques.
d. La notion d'affinité entre macromolécules biologiques C'est la caractéristique qui traduit la propension, dans un environnement et des conditions cellulaires donnés, de 2 (ou plus) macromolécules biologiques à se reconnaître et à interagir de manière réversible. Outre la complémentarité de structure, le paramètre clé de l'interaction entre molécules est leur concentration respective.
L'affinité de liaison est influencée par les paramètres physico-chimiques qui influencent la structure des macromolécules biologiques qui interagissent :
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Beaucoup de protéines sont nativement non structurées. Cette caractéristique accentue le caractère transitoire des interactions entre protéines (ou entre protéine et ligand au sens large). De plus, les molécules d'eau (d'hydratation des protéines ou intrinsèques à la stabilisation de la structure des protéines) jouent un rôle primordial dans la dynamique conformationnelle des protéines, donc dans leur interactivité. Démarche générale pour l'identification des PPI Source : Di Silvestre et al. (2018) (A) Exemples de méthodes biologiques, biophysiques ou associées à la spectromètrie de masse, pour identifier des PPI. Les abréviations dans cette figure sont définies dans le reste de ce cours. Voir un cours sur l'interactomique et les réseaux d'interactions protéine-protéine. |
3. Caractéristiques et paramètres clés des interactions entre molécules biologiques Les interactions qu'établissent les milliards de molécules au sein d'une cellule et avec l'extérieur sont l'élément clé de tous les processus biologiques, donc du fonctionnement cellulaire, donc de la vie.
L’un des paramètres clés des interactions protéine-protéine est donc l'abondance des protéines qui interagissent.
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Quelques chiffres clés de la cellule | ||
Type de molécule | Quantité dans 1 cellule | Type de cellule |
Une concentration de 1 nM correspond à | ≈ 1 molécule | Escherichia coli |
≈ 1000 molécules | Hela | |
Une concentration de 100 mg/ml correspond à | ≈ 106 - 107 molécules | Escherichia coli |
Nombre de protéines Nombre de métabolites Nombre de lipides |
3 106 - 4 106 3 108 2 107 |
Escherichia coli |
Nombre d'ARNm | 15 103 - 40 103 | Saccharomyces cerevisiae |
Nombre de protéines "TATA Binding Protein" Nombre de protéines LipL30 Nombre de facteurs de transcription AHR |
20 103 40 103 12 103 |
Saccharomyces cerevisiae Leptospira interrogans lignée cellulaire de fibroblastes murins NIH 3T3 |
Source : B10NUMB3R5 ("Bionumbers", Harvard) |
4. Quantification de l'interaction entre macromolécules biologiques a. Constantes d'équilibre d'association KA et de dissociation KD Toute réaction d'association (inversement de dissociation) entre 2 (ou plus) molécules M1 et M2 peut s'écrire : M1 + M2 <=> M1-M2 Cette réaction d'association est régie par une constante d'équilibre d'association KA (inversement, par une constante d'équilibre de dissociation KD) quantifiables si on dispose d'une méthode permettant :
Exemple de l'équilibre de fixation d'un ligand L sur une protéine P :
La vitesse d'association s'écrit : va = ka . [P].[L] - La vitesse de dissociation s'écrit : vd = kd . [PL]
Quand le système est à l'équilibre, les vitesses d'association et de dissociation sont égales :
Source : Xing et al. (2016) Plus KD est faible, plus l'affinité entre le ligand et la protéine est élevée. La liaison [biotine - streptavidine] et la liaison [inhibiteur de la ribonucléase - ribonucléase] sont caractérisées par KD ≈ 10-15 M (ou KA ≈ 1015 M-1) et sont parmis les interactions biologiques les plus fortes connues. |
Exemples d'association protéine - ligand
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hémoglobine - oxgène | le complexe enzyme - substrat(s) |
antigène - anticorps | enzyme - régulateur (inhibiteur, activateur, coenzymes, ...) |
histones - ADN (épigénétique) | protéine de transport - soluté spécifique |
facteur de transcription - élément de réponse (gène) | récepteur - hormone (ou toute autre forme de signal) |
protéine chaperon - protéine à replier | calmoduline - protéine cible activée |
ribosome (complexe ribonucléoprotéique) - ARN messager (traduction) | l'eau : "ligand" universel des toutes les molécules biologiques |
b. Développement théorique des équilibres d'association - dissociation Equilibre de fixation d'un ligand sur une protéine et représentation de Scatchard. Ensemble d'excercices : détermination du nombre de site(s) de fixation d'un ligand et de la constante KD. Cours sur l'interactomique et les réseaux d'interactions protéine-protéine. |
5. Les protéines ou régions intrinsèquement désordonnées (IDP/IDR) a. Introduction et définitions Certaines protéines sont fonctionnelles sans avoir une structure native pleinement ordonnée/structurée, aussi bien chez les procaryotes que chez les eucaryotes. Ces protéines ou régions intrinsèquement désordonnées ("Intrinsically Disordered Proteins or Regions" - IDP/IDR) :
De nombreuses interactions protéine-protéine résultent de la liaison, après leur repliement, des IDR de l’une des protéines, à un domaine replié de l’autre protéine ou (moins fréquemment) à une IDR de cette autre protéine. Les séquences de liaison désordonnées les plus courtes (3 à 12 résidus d’acides aminés) sont appelées motifs linéaires courts ("Short Linear Motifs" - SLiM) ou motifs linéaires eucaryotes ("Eukaryotic Linear Motifs" - ELM) et sont extrêmement fréquents dans les protéomes des eucaryotes :
Voir un cours sur les IDP/IDR et les acides aminés qui en sont spécifiques. |
b. Rôles biologiques des IDP/IDR et avantages pour la cellule En raison de leur plasticité conformationnelle, les IDP/IDR s'associent à des partenaires moléculaires avec lesquels des protéines complètement repliées ne pourraient interagir. Par ailleurs, certaines IDP/IDR sont dotées de la propriété de promiscuité : une même région d'une IDP/IDR fixe plusieurs partenaires et agit comme une "plaque tournante" dans les réseaux d'interactions protéine-protéine qui sont au coeur des processus de signalisation cellulaire. Comme toutes les interactions protéine-protéine, les interactions [IDP/IDR - partenaire moléculaire] sont modulées par l'environnement ou par des modifications covalentes. Quelques caractéristiques des IDP/IDR qui en démontrent le potentiel pour la cellule :
Figure adaptée de : Chakrabarti & Chakravarty (2022) |
c. Affinité, spécificité et multivalence des interactions entre protéines L'affinité est généralement quantifiée par la constante de dissociation à l'équilibre KD. Les interactions basées sur les motifs de type SLiM ont une spécificité particulière : des SLiM différents peuvent se lier au même domaine avec des affinités similaires et, inversement, plusieurs domaines peuvent se lier au même SLiM. La spécificité est une indication qualitative : elle traduit qu'une protéine donnée reconnaît mieux une certaine molécule (un ligand) que d'autres molécules (d’autres ligands). Si cette protéine reconnaît simultanément plusieurs ligands, on emploie la notion de sélectivité. Traduire les interactions entre protéines en terme de spécificité plutôt que d'affinité présente l’avantage de s’affranchir des paramètres physico-chimiques (pH, force ionique, encombrement stérique, ...) qui influencent plus fortement l'affinité. Différents modes de spécificité dans les interactions protéine-protéine impliquant des motifs de reconnaissance désordonnés
Source : Ivarsson & Jemth (2019)
PRISMA ("PRotein Interaction Screen on a peptide MAtrix") associée à la spectromètrie de masse quantitative permet d'identifier et cartographier les motifs d'interaction de type SLiM et MoRF ("Molecular Recognition Features" - séquences de 10 à 70 residus d'acides aminés) des protéines. |
6. Quelques méthodes pour prouver les interactions protéine-protéine Voir un cours détaillé sur l'interactomique. a. La technique de complémentation double-hybride La construction génétique appelée double-hybride dans la levure ("Yeast Two-Hybrid system", "Two-hybrid screening" ou "Yeast two-Hybrid" - Y2H) est une technique très haut débit. Cette construction génétique utilise les propriétés structurales et fonctionnelles du facteur de transcription GAL4 ("Regulatory protein GAL4" - 881 acides aminés) de la levure Saccharomyces cerevisiae qui contient :
Principe de la technique Figure A ci-dessous :
Figure B :
Source : Mehla et al. (2015) Avantages de cette technique
Limitations de cette technique
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Autres méthodes de complémentation ou biochimiques
Techniques d'immunoprécipitation
Source : Biologics International Corp.
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b. Méthodes physiques
c. Méthodes bioinformatiques
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7. La purification par chromatographie d'affinité couplée à la spectromètrie de masse ("Affinity-Purification coupled to Mass Spectrometry") - AP-MS C'est une technique très haut débit. Les complexes peu stables qui établissent des interactions faibles et transitoires (par exemple, les interactions enzyme-substrat) sont difficiles à purifier par AP-MS en raison de leur nature très dynamique. Principe de l'AP-MS Figure a ci-dessous : les protéines totales d'un échantillon sont extraites afin de purifier, par chromatographie liquide d'affinité, la protéine "appât" d'intérêt. Chaque type de protéine établit un ensemble caractéristique d'interactions avec d'autres types de protéines. Figure b :
Source : Kerbler et al. (2021) Figure c : plusieurs étapes de lavage, dans des conditions physico-chimiques adaptées aux caractéristiques du complexe [protéine "appât" - anticorps] sont nécessaires. Elles ont pour but de réduire les interactions non spécifiques (complexes [protéine "appât" - autres protéines] ou [anticorps - autres protéines]) et ainsi éluer la protéine "appât" d'intérêt dans sa forme la plus pure et concentrée possible. Figure d : des séquences des protéines purifiées sont fractionnées, séparées et analysées par une technique de spectrométrie de masse couplée à la technique de chromatographie liquide en amont (technique "Liquid Chromatography - Mass Spectrometry" - LC-MS). Figure e : l'analyse bioinformatique et biostatistique des données permet, entre autres, d'établir un réseau d'interactions protéine-protéine. |
Exemples d'étiquettes | |||
Etiquette | Séquence ou taille | Molécule greffée sur la résine d'affinité | Condition(s) d'élution |
TAPi | 45 kDa | Peptide de liaison à la calmoduline avec 2 domaines Protéine A | Protéine A - abaissement du pH |
Peptide de liaison à la streptavidine (SBP) | WSHPQFEK | Streptavidine | Desthiobiotine |
GSyellow | 37 kDa | Étiquette peptidique se liant à la streptavidine avec protéine fluorescente jaune citrine | Desthiobiotine et changement de pH |
Protéines fluorescentes (GFP, YFP) | 26.9 kDa | Anti-GFP | pH |
GSrhino | 21.9 kDa | 2 domaines de liaison aux IgG de la protéine G et 1 étiquette SBP | Streptavidine |
TAPa | 26 kDa | Domaine de liaison IgG avec XHis et Xmyc | Protéolyse avec HR3C - imidazole - abaissement du pH |
TAP ("Tandem Affinity Purification") : purification par affinité en tandem (2 étiquettes) SBP : "Streptavidin binding peptide" Étiquette GSrhino : 2 domaines de liaison à l'IgG anti-protéine G et 1 SBP séparés par 2 sites de protéolyse par la protéase HR3C ("Human Rhinovirus 3C") GFP : "Green Fluorescent Protein" ; YFP : "Yellow Fluorescent Protein" TAPa : "Alternative TAP" |
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La streptavidine est une protéine de la bactérie Streptomyces avidinii.
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8. Application de la fluorescence à l'analyse des macromolécules biologiques
a. Principe de la fluorescence Un électron de certaines molécules (fluorophores ou fluorochromes) peut absorber l'énergie de certains photons du rayonnement électromagnétique (appelés lumière d'excitation) :
Ainsi, pour qu'une molécule passe de l'état fondamental à un état excité, il faut qu'elle reçoive une quantité d'énergie équivalente à la différence entre ces deux niveaux. Un diagramme de Jablonski (ou Perrin - Jablonski) représente les transitions entre les différents états électroniques d'une molécule à l'origine des différents mécanismes : absorption, fluorescence, phosphorescence, mécanismes non-radiatifs, ... (voir A. Jablonski). Source : Starck M. (2010) Dans le cas d'une molécule complexe comme une protéine, les niveaux énergétiques S0 et S1' sont multiples, et il y a des pertes au sein de la molécule lors du retour d'un état excité S1' à l'état excité S1 (exemple ci-dessus).
Remarques :
Processus non radiatifs L'état excité S1 peut revenir à l'état fondamental S0 par deux mécanismes dits non radiatifs car ils n'émettent pas de lumière. Ces mécanismes sont en compétition avec l'émission de fluorescence et en diminuent le rendement (extinction de fluorescence ou "quenching"). Exemples de mécanismes :
Source : Horiba Scientific |
b. L'extinction de fluorescence ("fluorescence quenching") La réaction physico-chimique de ce phénomène est schématiquement : Mf*+D -> M+D La cinétique de désactivation suit l'équation de Stern - Volmer : La représentation f0/f[Q] - 1 = f([Q]) est donc une droite de pente KSV.
Remarque : seule une fraction des collisions [fluorophore - désactivateur] est efficace pour la désactivation. La valeur réelle de kq ne peut donc être déterminée qu'expérimentalement. |
c. Le développement et la performance de molécules fluorescentes Du fait de son extrême sensibilité et de son aspect quantitatif (comptage des désintégrations), la radioactivité d'isotopes d'atomes constitutifs des molécules biologiques a été pendant de très longues années la méthode de choix pour décrypter les processus biologiques (cycle de Krebs, cycle de Calvin, méthode d'origine de séquençage de Sanger, …). Inconvénients de l'utilisation de radioéléments :
Le développement de fluorophores / fluorochromes adaptés à l'étude des molécules biologiques L'avènement du séquençage des génomes par des techniques remplaçant la méthode classique de Sanger a très largement contribué au développement très rapide d'une palette sans cesse croissante de molécules fluorescentes extrêmement efficaces. Leur seuil de détection est désormais de l'odre de la molécule individualisée ("single molecule"). Ces molécules peuvent être fixées de manière covalentes aux molécules biologiques. Elles peuvent être photoactivables (exemples : PAmCherry, PATagRFP, PAmKate, ...), photoconvertibles (exemples : protéines fluorescentes de la série Eos, Dendra2, mMaple, ...), "clignotantes" en fonction du pH (exemple : hydroxymethyl Si-rhodamine HMSiR), à fixation temporaire ("DNA-painting") ... Voir la base de données de protéines fluorescentes FPbase. Ces molécules ont révolutionné les performances des techniques d'imagerie cellulaire, en particulier en microscopie :
Définitions Une molécule fluorescente (fluorophore ou fluorochrome) :
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d. La protéine fluorescente verte (GFP) La protéine fluorescente verte ("Green Fluorescent Protein" - GFP) est synthétisée dans les photocytes (cellule qui produit de la bioluminescence) de la méduse Aequorea victoria. La découverte de cette protéine fluorescente et ses très nombreuses applications en biologie ont été couronnées par le prix Nobel de chimie 2008.
La GFP est un accepteur de transfert d'énergie :
Le chromophore de la GFP
La fluorescence se produit lorsque l'oxydation de la liaison entre les carbones α et β de Y66 par l'oxygène moléculaire étend la conjugaison électronique du cycle imidazoline pour inclure le cycle phényl de Y et son substituant para-oxygène (figure d ci-dessous). Source : Zeiss - Illustration du mécanisme de cyclisation du mutant S65T. |
Visualisation de la GFP de Aequorea victoria à une résolution de 1,90 Å Code PDB : 1EMA La structure cristalline de la GFP a révélé que le chromophore tripeptide cyclique est enfoui au centre d'un "tonneau β" à onze brins entrelacés. Au cours du repliement, le tripeptide est positionné au cœur du tonneau β : les réactions de cyclisation et de déshydratation nécessaires à la formation du chromophore mature ont alors lieu.
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GFP et mutants de la GFP : utilisations très larges et intenses en biotechnologie La GFP a été mutée sur de nombreux résidus d'acides aminés afin de générer un très grand nombre de protéines fluorescentes avec des longueurs d'onde d'émission spécifiques. Voir la base de données de protéines fluorescentes FPbase. La figure suivante illustre diverses mutations de la GFP de Aequorea victoria (brins β = flèches vertes et hélices α = cylindres gris-bleus).
Source : Zeiss
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Protéine fluorescente | Séquence du chromophore | λexcitation (nm) | λémission (nm) |
GFP ("Green Fluorescent Protein") | V61TTFSYGVQC70 | 395 | 509 |
BFP ("Blue Fluorescent Protein") | V61TTFSHGVQC70 | 381 | 445 |
CFP ("Cyan Fluorescent Protein") | V61TTFSWGVQC70 | 456 | 480 |
YFP ("Yellow Fluorescent Protein") | L61VTTLGYGLM70 | 514 | 529 |
Venus (YFP) | L61VTTLGYGLQ70 | 515 | 528 |
Voir les paramètres physicochimiques d'une collection de ≈ 1000 protéines fluorescentes par ordre alphabétique (FPbase). |
Limitations des protéines de fusion [protéine fluorescente - protéine étudiée] La plupart des gènes disponibles dans le commerce pour la GFP et les protéines fluorescentes similaires contiennent environ 730 paires de bases.
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9. La technique du FRET appliquée aux molécules biologiques a. Principe du phénomène de FRET entre protéines fluorescentes Le FRET ("Förster Resonance Energy Transfer" - décrit par Theodor Förster en 1948) est un processus de transfert d'énergie entre une molécule fluorescente (un fluorophore appelé donneur) et une autre molécule fluorescente (un fluorophore appelé accepteur). Le phénomène FRET n'a lieu que si les 2 fluorophores sont distants de 10 Å à 100 Å. La technique du FRET, appliquée à la microscopie optique, permet donc d'analyser la proximité de deux biomolécules dans une cellule à l'échelle du nanomètre : elle permet de déterminer les interactions entre ces molécules quand elles se rapprochent suffisament l'une de l'autre. Source : "Evident - Olympus" |
b. Principe physique du FRET Un électron de la molécule donneuse génère un champ électrique qui entre en résonnance avec les électrons des orbitales électroniques de la molécule acceptrice : la molécule acceptrice passe dans un état excité et son retour à l'état fondamental émet un photon (émission de fluorescence). Formule très théorique du calcul du FRET : R0 = rayon de Förster, J(λ) = intégrale de chevauchement des aires, QD = rendement quantique, ε = coefficient d'extinction, κ = facteur d'orientation, n = indice de réfraction. Efficacité du FRET (E) C'est le rendement quantique du transfert d'énergie (la fraction de l'événement "transfert d'énergie" par événement "excitation du donneur de FRET") : E = kET / (kET + kf + ∑ki)
Dans le cadre d'une approximation ponctuelle [dipôle-dipôle], l'efficacité du FRET peut être reliée à la distance [donneur-accepteur] par les relations :
Chevauchement des spectres [fluorescence (émission) du donneur - absorption de l'accepteur] Pour augmenter l'efficacité du FRET, le groupe donneur doit avoir de bonnes capacités à absorber et à émettre des photons : le groupe donneur doit être caractérisé par un coefficient d'extinction élevé et un rendement quantique élevé. Le chevauchement du spectre d'émission du donneur et du spectre d'absorption de l'accepteur traduit l'énergie du donneur excité qui contribue à exciter le groupe accepteur. Le chevauchement des spectres [fluorescence (émission) du donneur - absorption de l'accepteur] signifie que l'énergie perdue par le donneur excité, lors de son retour à l'état fondamental, excite le groupe accepteur : plus les spectres se chevauchent, plus le donneur transfère de l'énergie à l'accepteur. Source : Broussard & Green (2017) L'intégrale de chevauchement J(λ) [donneur - accepteur] représente l'amplitude du chevauchement des spectres. La valeur de cette intégrale est donnée par la relation :
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c. Le couple [donneur / accepteur] du FRET C'est donc l'élément clé de la technique du FRET car le transfert d'énergie s'effectue si le spectre de fluorescence (émission) du donneur et le spectre d'absorption de l'accepteur se chevauchent. Exemple de couples [donneur / accepteur] fréquemment utilisés en biologie pour détecter des interactions protéine-protéine (entre macromolécules ou intramoléculaires, de manière générale) :
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Protéines fluorescentes utilisées dans diverses méthodes | |||
Protéine (noms divers) | pic excitation (nm) | pic émission (nm) | Organisme |
GFP ("Green Fluorescent Protein") |
513 | 527 | Aequorea victoria |
CFP ("Cyan Fluorescent Protein" : ECFP, Cerulean, CyPet, mTurquoise2) |
433 | 475 | |
YFP ("Yellow Fluorescent Protein" : Citrine, Venus, YPet) |
516 | 529 | |
BFP ("Blue fluorescent protein" : EBFP, EBFP2, Azurite) |
383 | 448 | |
Illustration de BFP mKalama1 Source : Vegh et al. (2015) |
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La désintégration non radiative de l'état excité de BFP mKalama comprend deux évènements :
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mCherry (mRFPs) | 587 | 610 | Discosoma sp |
FPbase : base de données de protéines fluorescentes ("Fluorescent Proteins" - FP) et de leurs propriétés.
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d. Le BRET ("Bioluminescence Resonance Energy Transfer") Cette technique mesure le transfert d'énergie entre une molécule bioluminescente donneur de BRET et une molécule fluorescente accepteur (par exemple la GFP ou la YFP, comme pour le FRET). Cette technique génère un bruit de fond très faible. La coelenterazine est une molécule bioluminescente donneur. C'est une luciférine dont l'excitation est déclenchée par la luciférase "renilla-luciferin 2-monooxygenase" (Rluc - E.C. 1.13.12.5). coelenterazine h + O2 <=> CO2 + coelenteramide h monoanion (excité) + H+ + hν Une luciférase extrêmement performante a été développée : la NanoLuc (NLuc). Source : Weihs et al. (2020) |
10. Le FRET appliquée à l'étude de molécule unique ("single-molecule FRET") La dynamique des changements conformationnels d'une population de biomolécules n'est pas un processus homogène. En effet, les mouvements de ces molécules ne sont pas synchronisés et ils se déroulent sur une échelle de temps qui s'échelonne de la femtoseconde (fs; vibration des liaisons des chaînes latérales des rotamères) à la microseconde (µs; mouvement des structures secondaires) et, pour des mouvements de plus grande ampleur la seconde (mouvements globaux des domaines structuraux). Ces caractéristiques structurales sont donc extrêmement difficiles à analyser avec des méthodes d'imagerie reflétant le comportement moyen d'un vaste ensemble de molécules. La technique FRET à molécule unique ("single-molecule FRET" - smFRET) permet :
La technique smFRET est une application du phénomène de FRET dans laquelle des paires uniques de FRET [donneur et accepteur] sont excitées et détectées.
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b. Le FRET dépend de la distance entre les deux fluorophores Le FRET est favorisé quand la distance [donneur – accepteur] est comprise entre 1 et 10 nm, ce qui souligne l'intérêt de smFRET : en effet, cette distance nécessaire au transfert d'énergie est du même ordre de grandeur que la taille d'une protéine ou l'épaisseur d'une membrane lipidique.
Sources : Roy et al. (2008) & Lerner et al. (2018) Rappel de l'éfficacité du transfert d'énergie en fonction de la distance [donneur-accepteur] :
R0 est caractéristique de la paire [donneur - accepteur] étudiée et sa valeur dépend notamment :
La gamme de distances mesurées précisément par FRET [0,5 R0 - 1,5 R0] : cela se traduit par une plage dynamique de 2 à 10 nm pour les paires de colorants smFRET couramment utilisées. Exemple : R0 de la paire [Cy3 - Cy5] = 5,4 nm. Le fluorophore le mieux adapté aux études smFRET est :
Une excellente paire smFRET est caractérisée par :
Des protéines fluorescentes et des semi-conducteurs ont été utilisées pour des études smFRET sans réel succès. Les fluorophores monomoléculaires les plus efficaces s'avèrent les petits (< 1 nm) colorants organiques comme l'indique le tableau ci-dessous. |
Propriétés spectrales de quelques fluorophores pour l'analyse de molécule individualisée ("single-molecule"). | ----- | Fluorophores | λmax excitation (nm) | λmax émission (nm) | εM à λmax (M-1.cm-1) | Rendement quantique | R0 (Å) |
donneur | Cy3 | 555 | 570 | 150 000 | 0,31 | 54 |
accepteur | Cy5 | 646 | 662 | 250 000 | 0,20 | |
donneur | sulfo-Cy3 | 548 | 563 | 162 000 | 0,10 | 56 |
accepteur | sulfo-Cy5 | 646 | 662 | 271 000 | 0,28 | |
donneur | Cy3B | 558 | 572 | 130 000 | 0,67 | 51 |
accepteur | Cy7 | 750 | 773 | 199 000 | 0,30 | |
donneur | Alexa Fluor 555 | 555 | 580 | 155 000 | 0,10 | 47 |
accepteur | Alexa Fluor 647 | 650 | 665 | 270 000 | 0,33 | |
donneur | Atto 550 | 554 | 574 | 120 000 | 0,80 | 63 |
accepteur | Atto 647 N | 644 | 667 | 150 000 | 0,65 | |
donneur | Alexa Fluor 488 | 490 | 525 | 73 000 | 0,92 | 62 |
accepteur | Alexa Fluor 568 | 578 | 603 | 88 000 | 0,69 |
Figure ci-dessous, exemple du pigment "ATTO 550".
Sources : Atto-Tech Voir une application des cyanines en protéomique ("technique 2D-DIGE). |
c. Application du smFRET à l'étude de processus biologiques smFRET a été utilisé pour étudier divers types de processus et de systémes biomoléculaires.
Illustration des machineries moléculaires ClpB est une machinerie protéolytique homohexamérique de bactéries appartenant à la famille des ATPases Hsp100 associées à diverses activités cellulaires ("ATPases associated with diverse cellular activities" - AAA+). Chaque sous-unité de ClpB contient un domaine structural intermédiaire unique en spirale (le domaine M) qui est un élément de contrôle de la fixation du co-chaperon DnaK. La technique sMFRET a permis de démontrer que le domaine M bascule entre 2 états conformationnels majeurs sur une échelle de temps très rapide d'environ 150 µs (plus rapides que l'activité globale de ClpB). |
11. La technique FISH ("Enhanced ELectric Fluorescence in situ Hybridization") a. Principe L'hybridation in situ par fluorescence ou FISH est une technique cytogénétique moléculaire qui détecte et localise une séquence d'ADN spécifique sur les chromosomes entiers.
Source : National Human Genome Research Institute La technique FISH est employée pour le diagnostic de maladies génétiques, pour la cartographie génétique et l'identification d'anomalies chromosomiques et pour la comparaison d'arrangements chromosomiques de gènes d'espèces apparentées. b. Application à la transcriptomique spatiale à haut débit Les méthodes de détermination du profil transcriptomique dans l'espace tissulaire sont assujetties à un équilibre entre entre résolution et débit. La méthode nommée EEL-FISH ("Enhanced ELectric Fluorescence in situ Hybridization") traite rapidement de très nombreux échantillons de tissus sans perte de résolution spatiale. Les ARN d'une section de tissu sont transférés par électrophorèse sur une surface qui les capture.
La méthode EEL-FISH appliquée à 8 sections entières d'un cerveau de souris a permis de mesurer le taux de transcription de 440 gènes, révéler ainsi son organisation tissulaire complexe (voir la base de données "Mouse Brain Atlas") .
Source : Borm et al. (2023) Cette méthode peut être utilisée pour l'étude d'échantillons humains (difficiles à analyser) en supprimant la lipofuscine autofluorescente : le transcriptome spatial du cortex visuel humain peut-être ainsi visualisé. La lipofuscine est le nom donné aux fins granules pigmentaires jaune-brun composés de résidus lipidiques issus de la digestion par les lysosomes. |
12. Liens Internet et références bibliographiques | |
Cours en ligne "Protein-protein interactions" Pathway Figure OCR : extraction d'informations publiées dans la littérature. Pathway Commons |
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Base de données de protéines fluorescentes FPbase : collection de ≈ 1000 protéines fluorescentes (paramètres physicochimiques et ordre alphabétique) The Eukaryotic Linear Motif (ELM) resource MaxQuant : progiciel de protéomique quantitative pour l'analyse de grands jeux de données obtenues par spectrométrie de masse Guide de sélection de fluorophores |
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