Caractéristiques et moyens d'étude des interactions entre macromolécules biologiques

Préambule

1. La relation structure - fonction des macromolécules biologiques

2. Notions d'interactomes

3. Caractéristiques et paramètres clés des interactions entre molécules biologiques

4. Quantification de l'interaction entre macromolécules biologiques

a. Constantes d'équilibre d'association KA et de dissociation KD
b. Equilibre de fixation d'un ligand sur une protéine et représentation de Scatchard

5. Les protéines ou régions intrinsèquement désordonnées (IDP/IDR)

a. Introduction et définitions
b. Affinité, spécificité et multivalence des interactions entre protéines
c. Rôles biologiques des IDP/IDR et avantages pour la cellule

6. Quelques méthodes pour prouver les interactions protéine-protéine

a. La technique de complémentation double-hybride
b. Méthodes physiques
 

7. La purification par chromatographie d'affinité couplée à la spectromètrie de masse ("AP-MS")

8. Application de la fluorescence à l'analyse des macromolécules biologiques

a. Principe de la fluorescence
b. L'extinction de fluorescence ("fluorescence quenching")
c. Le développement et la performance de molécules fluorescentes
d. La protéine fluorescente verte (GFP)

9. La technique du FRET appliquée aux molécules biologiques

a. Principe du phénomène de FRET entre protéines fluorescentes
b. Principe physique du FRET
c. Le couple [donneur / accepteur] du FRET
d. Le BRET ("Bioluminescence Resonance Energy Transfer")

10. Le FRET appliquée à l'étude de molécule unique ("single-molecule FRET")

a. Introduction
b. Le FRET dépend de la distance entre les deux fluorophores
c. Application du smFRET à l'étude de processus biologiques

11. La technique FISH

12. Liens Internet et références bibliographiques

 

Préambule

Les interactions entre molécules au sein de la cellule et à la surface de la cellule sont l'élément clé de tous les processus cellulaires, donc de la vie.

En effet, il n'est pas un évènement qui se déroule dans une cellule ou à sa surface (reconnaissance et communication, réactions biochimiques, voie de signalisation, transports, processus plus globaux, ...) qui ne mette en jeu la rencontre (collision) suivie d'une éventuelle interaction entre molécules.

Cette rencontre est contrôlée notamment par :

a. Les molécules d'eau dans la cellule :

  • Elles sont en mouvement permanent et contribuent à l'hydratation et la diffusion des molécules biologiques.
  • Il est capital de mentionner que le cytoplasme est dans un état physique qui s'apparente davantage à du "verre liquide" aux propriétés hydrodynamiques très différentes de l'eau liquide.

b. La concentration très élevée des molécules biologiques : 100 - 450 mg.mL-1 (5 - 40 % du volume cytoplasmique) / 300 - 400 mg.mL-1 chez E. Coli. Or la concentration régit la vitesse des molécules donc la fréquence de leurs collisions efficaces (celles qui débouchent sur l'action attendue de cette rencontre).

interactome interactomique interaction PPI crowded cell collision biochimej

Source : Feig et al. (2017)
Modèle d'un cytoplasme bactérien composé de protéines, d'ARN, de métabolites, d'ions et d'eau.

c. Les entités cellulaires macroscopiques (membranes, cytosquelette) qui délimitent et confèrent leur structure à certaines cellules.

d. La compartimentation de certaines cellules en organites :

  • Les types de molécules sont sélectionnés et séparés en fonction de la spécialisation de l'organite.
  • Les mécanismes de transport au travers de tous les types de membranes permettent la rencontre de molécules séparées physiquement.

e. Les condensats biomoléculaires ("biomolecular condensates") au sein de quasiment tous les types de cellules (procaryotes et eucaryotes) :

  • Ce sont des assemblages cellulaires sans membrane (par exemple, les granules P) qui concentrent et excluent sélectivement les biomolécules.
  • Ils jouent un rôle central dans divers processus cellulaires. Par exemple : la formation de l'hétérochromatine, la réparation de l'ADN, la transcription, le transport des ARN, la régulation du cycle cellulaire et la recombinaison méiotique, la spécification des cellules germinales, la signalisation cellulaire, la protection de la cellule contre certains stress ...

interactome interactomique interaction PPI condensat membrane collision biochimej

Source : Goodsell & Lasker (2023)

  • Dans la figure ci-dessus, un microdomaine cellulaire sous la forme d'un condensat sans membrane défini (en jaune) est formé par la protéine désordonnée PopZ ("Polar organizing protein Z") aux 2 extrémités (pôles) de la bactérie Caulobacter crescentus.
  • Ces condensats de protéine PopZ rassemblent des complexes macromoléculaires et excluent les grosses molécules du cytoplasme (par exemple, les ribosomes) : ils recrutent ainsi sélectivement de nombreuses protéines qui régulent les 2 formes de vie de cette bactérie.
  • Dans cette figure, le microdomaine interagit avec des protéines du cytoplasme impliquées dans la régulation (en orange), des protéines liées à la membrane (en jaune-vert) et des protéines de liaison à l'ADN (en magenta).

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1. La relation structure - fonction des macromolécules biologiques

a. Les différents types de ligands

La molécule qui se fixe sur une autre macromolécule biologique est appelée ligand de manière générique.

Un ligand peut être n'importe quel type de molécule biologique :

b. Propriétés physico-chimiques des macromolécules biologiques qui modulent et contrôlent leurs interactions

Les interactions physiques entre les molécules d'une cellule ou d'un compartiment sub-cellulaire traduisent, entre autre, l'aptitude structurale de ces molécules à se reconnaître.

  • La structure tridimensionnelle génère des conformations spatiales locales uniques aux propriétés physiques spécifiques (polarité, hydrophobicité, encombrement stérique, accessibilité au solvant, …) : ces conformations spatiales constituent les sites de fixation (ou de liaison, selon la terminologie).
  • La complémentarité de leur structure tridimensionnelle est ainsi l'élément clé de la reconnaissance entre deux ou plusieurs macromolécules biologiques.

Exemples :

  • Le site actif des enzymes : il est lui-même constitué du site de fixation des substrat(s), inhibiteur(s), effecteur(s) et du site catalytique où se déroule la réaction enzymatique.
  • La reconnaissance hautement spécifique entre un anticorps et l'épitope porté par son antigène.
  • La reconnaissance entre un facteur de transcription (protéine) et l'élément de réponse d'un gène (ADN) dont il est spécifique et dont il contrôle la transcription.

c. Forces de liaison qui maintiennent la structure des macromolécules

Ces forces sont non covalentes ou covalentes (ponts disulfures dans le cas des protéines) et très variées en nombre et du point de vue énergétique.

Dans le cas des protéines, ces forces sont intimement liées aux propriétés physico-chimiques des résidus d'acides aminés donc liées aux conditions cellulaires (pH, température, viscosité, pression).

Tous ces paramètres physico-chimiques sont maintenus relativement constants dans la cellule.

  • L'ensemble de ces paramètres dictent l'acquisition de la structure tridimensionnelle qui confère sa fonction à une macromolécule biologique.
  • La structure tridimensionnelle des macromolécules biologiques, notamment les protéines, résulte d'un grand nombre de conformations proches qui sont en équilibre.

Ces paramètres physico-chimiques contrôlent ces équilibres, donc la flexibilité ou dynamique conformationnelle de toutes les molécules biologiques.

  • Ce processus extrêmement fin permet à toutes les molécules d'adapter leurs structures les unes aux autres (exemple de l'ajustement induit du complexe enzyme-substrat).
  • Cette propriété est essentielle à la modulation (dans certains cas, la réversibilité) de la fonction des macromolécules dans la cellule.

d. La notion d'affinité entre macromolécules biologiques

C'est la caractéristique qui traduit la propension, dans un environnement et des conditions cellulaires donnés, de 2 (ou plus) macromolécules biologiques à se reconnaître et à interagir de manière réversible.

Outre la complémentarité de structure, le paramètre clé de l'interaction entre molécules est leur concentration respective.

  • L'affinité de liaison est quantifiable via la constante macroscopique de l'équilibre d'association (KA) ou de l'équilibre de dissociation (KD) des molécules qui interagissent.
  • Plus la valeur de la constante KD est petite, plus l'affinité de liaison du ligand pour son site de fixation est grande.

L'affinité de liaison est influencée par les paramètres physico-chimiques qui influencent la structure des macromolécules biologiques qui interagissent :

  • L'ensemble des interactions intermoléculaires non covalentes (liaison hydrogène, interactions électrostatiques, forces de Van der Waals et interactions hydrophobes).
  • La présence d'autres molécules effectrices qui modulent l'interaction.

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2. Notions d'interactomes

  • L'interactome des protéines correspond à l'ensemble des interactions protéine-protéine ("Protein - Protein Interactions" - PPI).
  • L'interactome protéines - ADN (appelé aussi réseau régulateur de gènes - "gene-regulatory network") correspond au réseau formé par les facteurs de transcription, les protéines régulatrices de la structure de la chromatine (exemple : les histones) et leurs gènes cibles.
  • L'interactome protéines - métabolites est étudié depuis moins longtemps et plus complexe à décrypter (voir un cours sur la métabolomique).

Beaucoup de protéines sont nativement non structurées. Cette caractéristique accentue le caractère transitoire des interactions entre protéines (ou entre protéine et ligand au sens large).

De plus, les molécules d'eau (d'hydratation des protéines ou intrinsèques à la stabilisation de la structure des protéines) jouent un rôle primordial dans la dynamique conformationnelle des protéines, donc dans leur interactivité.

Démarche générale pour l'identification des PPI

interactome interactomique PPI spectrometrie mass spectrometry protein omics biochimej

Source : Di Silvestre et al. (2018)

(A) Exemples de méthodes biologiques, biophysiques ou associées à la spectromètrie de masse, pour identifier des PPI.
(B) Réseau des PPI de la base de données STRING pour Arabidopsis thaliana avec un seuil de 0,7.
(C) Exemple d'un graphe [non orienté / non pondéré] et d'un graphe [orienté / pondéré].
(D) Matrice d'ajacence associée à chacun de ces graphes.

Les abréviations dans cette figure sont définies dans le reste de ce cours.

Voir un cours sur l'interactomique et les réseaux d'interactions protéine-protéine.

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3. Caractéristiques et paramètres clés des interactions entre molécules biologiques

Les interactions qu'établissent les milliards de molécules au sein d'une cellule et avec l'extérieur sont l'élément clé de tous les processus biologiques, donc du fonctionnement cellulaire, donc de la vie.

  • Il s'établit à tout instant dans une cellule ou un compartiment sub-cellulaire un nombre incalculable d'interactions de divers types : liaisons hydrogène, ioniques, covalentes, électrostatiques, interactions hydrophobes, ...
  • Elles s'établissent entre toutes les catégories de molécules biologiques : acides nucléiques, protéines, oses, lipides, métabolites, ... sans oublier les molécules d'eau omniprésentes (ou presque) et la multitude d'ions.
  • Ces interactions régissent chacune des réactions élémentaires :
    • constitutives des dizaines de processus cellulaires (métabolisme, transcription - traduction, cycle cellulaire, photosynthèse, ...)
    • constitutives des dizaines de mécanismes de régulation de ces processus
  • Ces processus, à leur tour, assurent le fonctionnement d'un ensemble plus vaste : un compartiment sub-cellulaire, une cellule, un tissu, un organe, un organisme, un groupe d'organismes.
  • Le tout est programmé, contrôlé, orchestré avec une précision inégalée dans l'espace et dans le temps.

L’un des paramètres clés des interactions protéine-protéine est donc l'abondance des protéines qui interagissent.

  • Les concentrations des protéines varient selon le type de cellules, le compartiment sub-cellulaire et l’état cellulaire.
  • Les techniques de multi-omiques spatiales appliquées aux cellules individualisées ("single-cell spatial multi-omics approaches") permettent d’établir un panorama complet d’une précision inégalée de la répartition, de l’abondance et du temps de demi-vie des protéines (en particulier), des ARN de divers types et du taux de transcription des gènes (en général).
Quelques chiffres clés de la cellule
Type de molécule Quantité dans 1 cellule Type de cellule
Une concentration de 1 nM correspond à ≈ 1 molécule Escherichia coli
≈ 1000 molécules Hela
Une concentration de 100 mg/ml correspond à ≈ 106 - 107 molécules Escherichia coli
Nombre de protéines
Nombre de métabolites
Nombre de lipides
3 106 - 4 106
3 108
2 107
Escherichia coli
Nombre d'ARNm 15 103 - 40 103 Saccharomyces cerevisiae
Nombre de protéines "TATA Binding Protein"
Nombre de protéines LipL30
Nombre de facteurs de transcription AHR
20 103
40 103
12 103
Saccharomyces cerevisiae
Leptospira interrogans
lignée cellulaire de fibroblastes murins NIH 3T3
Source : B10NUMB3R5 ("Bionumbers", Harvard)

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4. Quantification de l'interaction entre macromolécules biologiques

a. Constantes d'équilibre d'association KA et de dissociation KD

Toute réaction d'association (inversement de dissociation) entre 2 (ou plus) molécules M1 et M2 peut s'écrire : M1 + M2 <=> M1-M2

Cette réaction d'association est régie par une constante d'équilibre d'association KA (inversement, par une constante d'équilibre de dissociation KD) quantifiables si on dispose d'une méthode permettant :

  • De mettre en évidence l'association entre M1 et M2.
  • De mesurer la concentration respective (ou tout autre signal dont la valeur est proportionnelle à cette concentration) de M1, M2 et du complexe M1-M2.

Exemple de l'équilibre de fixation d'un ligand L sur une protéine P :

                        Equilibre fixation proteine ligand binding equilibrium biochimej

La vitesse d'association s'écrit : vaka . [P].[L]       -     La vitesse de dissociation s'écrit : vdkd . [PL]

  • ka : constante de vitesse microscopique du second ordre (réaction bimoléculaire). Unités : mol-1.L.s-1 ou M-1.s-1
  • kd : constante de vitesse microscopique du premier ordre (réaction monomoléculaire). Unités : s-1
  • [L] = concentration du ligand libre; [PL] = concentration du ligand lié.

Quand le système est à l'équilibre, les vitesses d'association et de dissociation sont égales :

enzyme demonstration representation Scatchard constante equilibre fixation site protein ligand binding equilibrium association dissociaton biochimej

  • Ka = 1 / Kd
  • Ka et Kd sont des constantes d'équilibre macroscopiques

interactome interactomique PPI proteome spectrometrie masse spectrometry tandem protein sequence domaine omics biochimej

Source : Xing et al. (2016)
Dans cette figure, deux protéines (dénotées A et B) interagissent avec une constante de dissociation KD.

Plus KD est faible, plus l'affinité entre le ligand et la protéine est élevée.

La liaison [biotine - streptavidine] et la liaison [inhibiteur de la ribonucléase - ribonucléase] sont caractérisées par KD ≈ 10-15 M (ou KA ≈ 1015 M-1) et sont parmis les interactions biologiques les plus fortes connues.

Exemples d'association protéine - ligand

  • Tous les processus cellulaire impliquent un ensemble de réactions de reconnaissance [protéine - ligand] ordonnées et finement coordonnées.
  • Le ligand d'une protéine peut donc être n'importe quel type de molécule biologique.
  • Certaines protéines établissent des interactions avec un très grand nombre d'autres protéines. Elles sont appelées "hub" et constituent des nœuds protéiques hautement connectés dans les réseaux d'interaction PPI.
  • Certaines protéines subissent de nombreuses modifications post-traductionnelles qui modulent leurs PPI.
hémoglobine - oxgène le complexe enzyme - substrat(s)
antigène - anticorps enzyme - régulateur (inhibiteur, activateur, coenzymes, ...)
histones - ADN (épigénétique) protéine de transport - soluté spécifique
facteur de transcription - élément de réponse (gène) récepteur - hormone (ou toute autre forme de signal)
protéine chaperon - protéine à replier calmoduline - protéine cible activée
ribosome (complexe ribonucléoprotéique) - ARN messager (traduction) l'eau : "ligand" universel des toutes les molécules biologiques

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b. Développement théorique des équilibres d'association - dissociation

Equilibre de fixation d'un ligand sur une protéine et représentation de Scatchard.

Ensemble d'excercices : détermination du nombre de site(s) de fixation d'un ligand et de la constante KD.

Cours sur l'interactomique et les réseaux d'interactions protéine-protéine.

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5. Les protéines ou régions intrinsèquement désordonnées (IDP/IDR)

a. Introduction et définitions

Certaines protéines sont fonctionnelles sans avoir une structure native pleinement ordonnée/structurée, aussi bien chez les procaryotes que chez les eucaryotes.

Ces protéines ou régions intrinsèquement désordonnées ("Intrinsically Disordered Proteins or Regions" - IDP/IDR) :

  • Peuvent se replier ou s'enrichir en structures secondaires lorsqu'elles interagissent avec leur(s) cible(s) biologique(s).
  • Sont désordonnées sur une grande partie de la chaîne polypeptidique ou contiennent des régions désordonnées en nombre variable.
  • Sont caractérisées par une faible complexité de séquence, un biais dans leur composition en acides aminés et une forte flexibilité prédite.

De nombreuses interactions protéine-protéine résultent de la liaison, après leur repliement, des IDR de l’une des protéines, à un domaine replié de l’autre protéine ou (moins fréquemment) à une IDR de cette autre protéine.

Les séquences de liaison désordonnées les plus courtes (3 à 12 résidus d’acides aminés) sont appelées motifs linéaires courts ("Short Linear Motifs" - SLiM) ou motifs linéaires eucaryotes ("Eukaryotic Linear Motifs" - ELM) et sont extrêmement fréquents dans les protéomes des eucaryotes :

  • Plus de 100 familles de domaines se lient aux SLiM.
  • Le nombre de SLiM dans le protéome de l’homme impliqués dans les interactions protéine-protéine est supérieur à 100.000.

Voir un cours sur les IDP/IDR et les acides aminés qui en sont spécifiques.

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b. Rôles biologiques des IDP/IDR et avantages pour la cellule

En raison de leur plasticité conformationnelle, les IDP/IDR s'associent à des partenaires moléculaires avec lesquels des protéines complètement repliées ne pourraient interagir.

Par ailleurs, certaines IDP/IDR sont dotées de la propriété de promiscuité : une même région d'une IDP/IDR fixe plusieurs partenaires et agit comme une "plaque tournante" dans les réseaux d'interactions protéine-protéine qui sont au coeur des processus de signalisation cellulaire.

Comme toutes les interactions protéine-protéine, les interactions [IDP/IDR - partenaire moléculaire] sont modulées par l'environnement ou par des modifications covalentes.

Quelques caractéristiques des IDP/IDR qui en démontrent le potentiel pour la cellule :

  • "Economie" du nombre de gènes codant des protéines dans les génomes.
  • Possibilité de surmonter les contraintes stériques de fixation à une molécule.
  • Spécificité élevée malgré une faible affinité.
  • Modifications post-traductionnelles facilitées : sites de modification plus exposés aux enzymes de modification; processus d'agrégation moindre ...

interactome interactomique protein interaction PPI proteome specificity specificite affinity affinite kd dissociation association IDP IDR desordre desordonne intrinsically disordered region domaine biochimej

Figure adaptée de : Chakrabarti & Chakravarty (2022)

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c. Affinité, spécificité et multivalence des interactions entre protéines

L'affinité est généralement quantifiée par la constante de dissociation à l'équilibre KD. Les interactions basées sur les motifs de type SLiM ont une spécificité particulière : des SLiM différents peuvent se lier au même domaine avec des affinités similaires et, inversement, plusieurs domaines peuvent se lier au même SLiM.

La spécificité est une indication qualitative : elle traduit qu'une protéine donnée reconnaît mieux une certaine molécule (un ligand) que d'autres molécules (d’autres ligands). Si cette protéine reconnaît simultanément plusieurs ligands, on emploie la notion de sélectivité.

Traduire les interactions entre protéines en terme de spécificité plutôt que d'affinité présente l’avantage de s’affranchir des paramètres physico-chimiques (pH, force ionique, encombrement stérique, ...) qui influencent plus fortement l'affinité.

Différents modes de spécificité dans les interactions protéine-protéine impliquant des motifs de reconnaissance désordonnés

  • Figure A ci-dessous : Interactions entre les acides aminés constitutifs d’un motif linéaire de reconnaissance et ceux de la poche de liaison de ce motif d’un domaine replié.
  • (B) Des interactions de différentes spécificités établies en dehors de la poche de liaison peuvent augmenter ou diminuer l'affinité pour certain motif de liaison.
  • (C) La multivalence résulte d'interactions bivalentes qui augmentent l'affinité et la spécificité :
    • (i) En augmentant la fréquence des collisions efficaces (liaison réelle entre les molécules).
    • (ii) Par l’établissement d’une interaction intramoléculaire. La surface d'interaction est ainsi accrue et la dissociation des molécules est ralentie puisque les 2 types de contacts doivent se rompre simultanément.

interactome interactomique protein interaction PPI proteome specificity specificite affinity affinite allovalence kd dissociation association intrinsically disordered region sequence domaine biochimej

Source : Ivarsson & Jemth (2019)

  • (D) L'allovalence émane de la probabilité qu’une liaison soit de nouveau établie avant que les protéines impliquées ne soient hors de leur sphère d’interactions commune donc dissociées. Ce processus est fréquent lorsque plusieurs sites de liaison sont impliqués (exemple de 3 motifs d'interactions dans la figure).
  • (E, F) Les interactions entre molécules sont tributaires de l’endroit dans la cellule (espace) et du temps (exemple des phases du cycle cellulaire) où motifs et domaines de liaison sont communément présents. De plus, cette dichotomie garantit que de nombreuses interactions non spécifiques ne soient pas établies.

PRISMA ("PRotein Interaction Screen on a peptide MAtrix") associée à la spectromètrie de masse quantitative permet d'identifier et cartographier les motifs d'interaction de type SLiM et MoRF ("Molecular Recognition Features" - séquences de 10 à 70 residus d'acides aminés) des protéines.

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6. Quelques méthodes pour prouver les interactions protéine-protéine

Voir un cours détaillé sur l'interactomique.

a. La technique de complémentation double-hybride

La construction génétique appelée double-hybride dans la levure ("Yeast Two-Hybrid system", "Two-hybrid screening" ou "Yeast two-Hybrid" - Y2H) est une technique très haut débit.

Cette construction génétique utilise les propriétés structurales et fonctionnelles du facteur de transcription GAL4 ("Regulatory protein GAL4" - 881 acides aminés) de la levure Saccharomyces cerevisiae qui contient :

  • Un domaine N-terminal (acides aminés 1 à 147) qui reconnaît et se fixe à la séquence d'activation en amont ("Upstream Activating Sequence" - UAS) du gène de réponse GAL4 ("DNA Binding Domain" - DBD). Ce domaine est fusionné à une protéine dite "appât" ("bait").
  • Un domaine C-terminal (acides aminés 768 à 881) responsable de l'initiation de la transcription ("Activation Domain" - AD) en aval de l'UAS quand il se fixe à d'autres composants de la machinerie de la transcription. Ce domaine est fusionné à plusieurs protéines dites "proies" ("prey").

Principe de la technique

Figure A ci-dessous :

  • Les domaines DBD ou AD ne peuvent pas activer, isolément, la transcription.
  • Sans interaction entre la protéine "appât" et la protéine "proie", il n'y a pas transcription du gène rapporteur.

Figure B :

  • Lorsque les protéines "appât" et "proie" interagissent, elles réunissent les 2 domaines DBD et AD : un facteur de transcription fonctionnel est ainsi reconstitué.
  • Ce facteur de transcription active le promoteur situé en aval de l'UAS et le gène qui est sous le contrôle de ce promoteur est transcrit.

interactome interactomique protein interaction PPI affinity affinite kd dissociation association double hybride GAL4 domain biochimej

Source : Mehla et al. (2015)

Avantages de cette technique

  • Technique facilement utilisable en laboratoire : réactifs et appareils peu coûteux, pas d'équipement spécifique sauf pour les études à très haut débit (robots coûteux nécessaires).
  • Technique très sensible : des interactions faibles et transitoires peuvent être détectées.
  • Détection d'interactions protéine-protéine in vivo, sans limite de taille des protéines criblées qui peuvent provenir d'organismes différents.
  • Des protéines entières, des domaines protéiques ou des fragments de protéines peuvent être criblées.

Limitations de cette technique

  • Le taux potentiellement élevé de faux positifs : ceux-ci peuvent être réduits par des conditions expérimentales strictes.
  • Problème des protéines "appâts" auto-activés qui activent le gène rapporteur sans interagir avec la protéine "proie".
  • Les interactions qui impliquent certains types de protéines ne peuvent pas être détectées :
    • Les protéines qui ne peuvent pas se replier dans le milieu intracellulaire (par exemple, les protéines membranaires).
    • Les protéines qui ne peuvent pas pénétrer dans le noyau et ne peuvent donc pas être étudiées avec cette technique basée sur la transcription.
    • Les protéines toxiques ou instables dans la levure.
    • Les protéines qui nécessitent des modifications post-traductionnelles qui ne peuvent avoir lieu chez la levure.

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Autres méthodes de complémentation ou biochimiques

  • La technique "Phage display"
    • Un gène codant une protéine d'intérêt est associé au gène codant une protéine d'enveloppe d'un phage (à l'origine le bactériophage filamenteux M13).
    • Il y a alors synthèse d'une protéine de fusion qui se retrouve à la surface du phage : le phage affiche ("displays") la protéine d'intérêt. C'est une technique à haut débit.
  • La complémentation de fluorescence bimoléculaire ("Bimolecular fluorescence complementation" - BiFC)
    • Deux protéines d'intérêt sont fusionnées à un fragment N- ou C-terminal non fluorescent d'une protéine fluorescente puis traduites dans une cellule.
    • Si une interaction a lieu entre les deux protéines d'intérêt, il y a reconstitution de la protéine fluorescente (formation d'un complexe fluorescent). Le signal est ainsi visualisé par microscopie de fluorescence ou par cytométrie en flux.
  • La technique "Strep - Protein INteraction Experiment" (SPINE) : le marqueur Strep est un octapeptide synthétique.
  • La technique "Far-Western Blotting" : démarche similaire au Western blot avec une différence : la sonde anticorps est substituée par une sonde protéine "appât" marquée.

Techniques d'immunoprécipitation

  • L'immunoprécipitation de la chromatine ("Chromatin immunoprecipitation") pour identifier et étudier les protéines qui interagissent avec l'ADN (facteurs de transcription, histones) et pour l'étude des processus épigénétiques.
  • La purification par immunoprécipitation ("Tandem Affinity Purification") : billes enrobées d'un anticorps et synthèse d'une protéine de fusion.
  • La co-immunoprécipitation ou immunoprécipitation d'un complexe de protéines ("Co-Immunoprecipitation" - Co-IP) utilise un anticorps spécifique d'une protéine cible pour capturer indirectement les protéines qui sont fixées à cette protéine cible.

interactome interactomique protein interaction PPI affinity affinite kd dissociation association double hybride GAL4 domain biochimej

Source : Biologics International Corp.

  • L'analyse par extraction ("pull-down assay") :
    • Elle utilise une protéine "appât" immobilisée ("immobilized bait protein") sur une résine d'affinité (exemples : glutathion-S-transférase, His-tag, biotine) : cette protéine "appât" fixe et retient la protéine "proie" contenue dans un lysat cellulaire qui traverse la résine.
    • La protéine "proie" est éluée dans des conditions qui la désorbent.
    • La technique d'origine utilisait une protéine de fusion "appât" glutathion-S-transférase immobilisée sur un support glutathion-agarose et une protéine "proie" radiomarquée : les 2 protéines étaient analysées par électrophorèse sur gel SDS-PAGE et quantifiées par autoradiographie (Smith & Johnson, 1988).

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b. Méthodes physiques

  • La technique "Membrane-Strep-tagged Protein INteraction Experiment" (Membrane-SPINE) : combinaison de la purification spécifique d'une protéine membranaire marquée par Strep avec la fixation réversible de complexes protéiques par réticulation avec le formaldéhyde. Analyse finale par spectrométrie de masse.
  • Quelques méthodes qui utilisent la fluorescence :
    • Le transfert d'énergie par résonance de fluorescence ("Fluorescence resonance energy transfer" - FRET) : transfert d'énergie sans émission de lumière résultant d'une interaction entre deux molécules (donneur et accepteur d'énergie respectivement).
    • La spectroscopie de corrélation de fluorescence ("Fluorescence Correlation Spectroscopy" - FCS - Magde et al., 1972) permet de déterminer le coefficient de diffusion et un nombre de molécules en détectant les fluctuations de l'intensité de fluorescence provoquées par le passage de molécules fluorescentes à travers un volume de détection ou dans une cellule. Cette technique est très utilisée pour détecter l'agrégation de protéines associées aux maladies neurodégénératives
  • Méthodes d'interférométrie
    • L'interférométrie de biocouches ("Bio-Layer Interferometry" - BLI) : technique optique sans marquage fluorescent qui analyse le profil d'interférence de la lumière blanche réfléchie par 2 surfaces. Ce profil permet de déterminer des valeurs de constantes de vitesse et d'autres données cinétiques.
    • L'interférométrie par double polarisation ("Dual Polarisation Interferometry" - DPI) : elle permet d'obtenir des mesures très précises de la taille, de la densité et de la masse des molécules avec une lumière intense d'un faisceau laser.

c. Méthodes bioinformatiques

  • La fouille de données bibliographiques ("Text mining").

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7. La purification par chromatographie d'affinité couplée à la spectromètrie de masse ("Affinity-Purification coupled to Mass Spectrometry") - AP-MS

C'est une technique très haut débit.

Les complexes peu stables qui établissent des interactions faibles et transitoires (par exemple, les interactions enzyme-substrat) sont difficiles à purifier par AP-MS en raison de leur nature très dynamique.

Principe de l'AP-MS

Figure a ci-dessous : les protéines totales d'un échantillon sont extraites afin de purifier, par chromatographie liquide d'affinité, la protéine "appât" d'intérêt. Chaque type de protéine établit un ensemble caractéristique d'interactions avec d'autres types de protéines.

Figure b :

  • Des anticorps spécifiques de la protéine "appât" (s'il en existe) sont liés covalemment à des billes ("beads") pour l'immunoprécipitation des complexes protéiques dans des conditions natives, c'est-à-dire sans traitement particulier de l'extrait brut des protéines totales.
  • Ce principe permet de détecter : (i) des protéines endogènes de l'organisme ; (ii) des protéines de fusion : un complexe [protéine "appât" - protéine portant une étiquette ("tag") peptidique] (purification par affinité unique) ; (iii) des protéines de fusion avec deux étiquettes peptidiques (purification par double affinité).
  • Les contrôles sont très importants et ont pour but de réduire la [purification / identification] de faux positifs (FP). Ces contrôles peuvent être un extrait : (i) de protéines de l'organisme de type sauvage; (ii) de protéines de cellules exprimant uniquement l'étiquette; (iii) de protéines non apparentées (UP) fusionnées avec une étiquette.

interactome interactomique protein interaction PPI affinity affinite kd dissociation association biotine steptavidine affinie affinity LCMS chromatographie spectrometrie masse etiquette tag anticorps antibbody biochimej

Source : Kerbler et al. (2021)

Figure c : plusieurs étapes de lavage, dans des conditions physico-chimiques adaptées aux caractéristiques du complexe [protéine "appât" - anticorps] sont nécessaires. Elles ont pour but de réduire les interactions non spécifiques (complexes [protéine "appât" - autres protéines] ou [anticorps - autres protéines]) et ainsi éluer la protéine "appât" d'intérêt dans sa forme la plus pure et concentrée possible.

Figure d : des séquences des protéines purifiées sont fractionnées, séparées et analysées par une technique de spectrométrie de masse couplée à la technique de chromatographie liquide en amont (technique "Liquid Chromatography - Mass Spectrometry" - LC-MS).

Figure e : l'analyse bioinformatique et biostatistique des données permet, entre autres, d'établir un réseau d'interactions protéine-protéine.

Exemples d'étiquettes
Etiquette Séquence ou taille Molécule greffée sur la résine d'affinité Condition(s) d'élution
TAPi 45 kDa Peptide de liaison à la calmoduline avec 2 domaines Protéine A Protéine A - abaissement du pH
Peptide de liaison à la streptavidine (SBP) WSHPQFEK Streptavidine Desthiobiotine
GSyellow 37 kDa Étiquette peptidique se liant à la streptavidine avec protéine fluorescente jaune citrine Desthiobiotine et changement de pH
Protéines fluorescentes (GFP, YFP) 26.9 kDa Anti-GFP pH
GSrhino 21.9 kDa 2 domaines de liaison aux IgG de la protéine G et 1 étiquette SBP Streptavidine
TAPa 26 kDa Domaine de liaison IgG avec XHis et Xmyc Protéolyse avec HR3C - imidazole - abaissement du pH
TAP ("Tandem Affinity Purification") : purification par affinité en tandem (2 étiquettes)
SBP : "Streptavidin binding peptide"
Étiquette GSrhino : 2 domaines de liaison à l'IgG anti-protéine G et 1 SBP séparés par 2 sites de protéolyse par la protéase HR3C ("Human Rhinovirus 3C")
GFP : "Green Fluorescent Protein" ; YFP : "Yellow Fluorescent Protein"
TAPa : "Alternative TAP"

La streptavidine est une protéine de la bactérie Streptomyces avidinii.

  • Elle forme un complexe spécifique non covalent extrêmement fort avec la biotine (1 molécule de biotine par sous-unité de streptavidine).
  • La liaison [biotine - streptavidine] caractérisée par KD ≈ 10-14 M est l'une des interactions biologiques les plus fortes connues.

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8. Application de la fluorescence à l'analyse des macromolécules biologiques

a. Principe de la fluorescence

Un électron de certaines molécules (fluorophores ou fluorochromes) peut absorber l'énergie de certains photons du rayonnement électromagnétique (appelés lumière d'excitation) :

  • Le niveau d'énergie de l'électron excité augmente (S0 désigne l'état singulet fondamental de l'électron) : S0 + hνexcitation -> S1
  • L'excitation de l'électron est immédiatement (< 1 ns) suivie d'une émission spontanée : S1-> S0 + hνémision
  • L'énergie d'un photon (E) est proportionnelle à sa fréquence ν et h est la constante de Planck.

Ainsi, pour qu'une molécule passe de l'état fondamental à un état excité, il faut qu'elle reçoive une quantité d'énergie équivalente à la différence entre ces deux niveaux.

Un diagramme de Jablonski (ou Perrin - Jablonski) représente les transitions entre les différents états électroniques d'une molécule à l'origine des différents mécanismes : absorption, fluorescence, phosphorescence, mécanismes non-radiatifs, ... (voir A. Jablonski).

interactome protein interaction affinite transfert fluorescence absorption phosphorescence emisssion electron niveau energie singulet triplet spectre biochimej

Source : Starck M. (2010)

Dans le cas d'une molécule complexe comme une protéine, les niveaux énergétiques S0 et S1' sont multiples, et il y a des pertes au sein de la molécule lors du retour d'un état excité S1' à l'état excité S1 (exemple ci-dessus).

  • En conséquence, l'énergie d'émission est dans la plupart des cas plus faible que l'énergie d'excitation : Eemission = h/λem < Eexcitation = h/λexc
  • En d'autres termes, la longueur d'onde de la lumiére d'émission est dans la plupart des cas plus élevée que celle de la lumiére d'excitation.

Remarques :

  • Dans certains cas, la longueur d'onde de la lumière d'émission est plus faible (phénomène d'absorption de 2 photons) ou identique (fluorescence de résonance) à la lumiére d'excitation.
  • Les photons ré-émis ne sont pas seulement du domaine du visible. Si la molécule est bombardée par des rayons X, des rayons X secondaires sont ré-émis (fluorescence X).

Processus non radiatifs

L'état excité S1 peut revenir à l'état fondamental S0 par deux mécanismes dits non radiatifs car ils n'émettent pas de lumière.

Ces mécanismes sont en compétition avec l'émission de fluorescence et en diminuent le rendement (extinction de fluorescence ou "quenching"). Exemples de mécanismes :

  • La conversion interne de l'état singulet excité le plus bas vers l'état fondamental.
  • Le passage intersystème de l'état singulet excité à l'état triplet. Ce processus conduit à la phosphorescence (durée d'émission plus longue que la fluorescence).
  • Le transfert d'énergie vers une autre molécule dont une illustration est le transfert d'énergie par résonance de Förster ou FRET.

interactome protein interaction affinite transfert fluorescence absorption phosphorescence emisssion electron niveau energie singulet triplet spectre biochimej

Source : Horiba Scientific

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b. L'extinction de fluorescence ("fluorescence quenching")

La réaction physico-chimique de ce phénomène est schématiquement : Mf*+D -> M+D
Mf* est la molécule fluorescente (fluorophore) dans un état activé (*) et D est le désactivateur ("quencher").

La cinétique de désactivation suit l'équation de Stern - Volmer :

extinction quenching fluorescence fret Stern Volmer emission excitation donneur accepteur radiatif GFP YFP BFP donor acceptor biochimej

La représentation f0/f[Q] - 1 = f([Q]) est donc une droite de pente KSV.

  • f0 : intensité de fluorescence en absence du désactivateur.
  • f[Q] : intensité de fluorescence en présence du désactivateur à différentes concentrations [Q].
  • KSV (constante de Stern - Volmer) = τ0 . kq
    • τ0 : durée de vie de l'état excité émissif de Mf en absence du désactivateur.
    • kq : constante de vitesse de la diffusion du désactivateur (taux de désactivation).

Remarque : seule une fraction des collisions [fluorophore - désactivateur] est efficace pour la désactivation. La valeur réelle de kq ne peut donc être déterminée qu'expérimentalement.

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c. Le développement et la performance de molécules fluorescentes

Du fait de son extrême sensibilité et de son aspect quantitatif (comptage des désintégrations), la radioactivité d'isotopes d'atomes constitutifs des molécules biologiques a été pendant de très longues années la méthode de choix pour décrypter les processus biologiques (cycle de Krebs, cycle de Calvin, méthode d'origine de séquençage de Sanger, …).

Inconvénients de l'utilisation de radioéléments :

  • La dangerosité des radiations.
  • La complexité des conditions de [détention/utilisation] de radionucléides (autorisation administrative, gestion drastique des locaux et des déchets, sécurité, formation des utilisateurs, ...).
  • Le nombre relativement restreint d'isotopes utilisables (2H, 3H, 13N, 14C, 15O, 32P, 35S, 60Co, 131I, ....) en regard de la très grande diversité des [fluorophores / fluorochromes] développés régulièrement (voir la gamme "Alexa Fluor").
  • La complexité du marquage des molécules biologies, des appareils et des produits pour détecter et compter les désintégrations (liquide à scintillations de type POPOP à base de solvants organiques potentiellement dangereux, ...).

Le développement de fluorophores / fluorochromes adaptés à l'étude des molécules biologiques

L'avènement du séquençage des génomes par des techniques remplaçant la méthode classique de Sanger a très largement contribué au développement très rapide d'une palette sans cesse croissante de molécules fluorescentes extrêmement efficaces. Leur seuil de détection est désormais de l'odre de la molécule individualisée ("single molecule").

Ces molécules peuvent être fixées de manière covalentes aux molécules biologiques. Elles peuvent être photoactivables (exemples : PAmCherry, PATagRFP, PAmKate, ...), photoconvertibles (exemples : protéines fluorescentes de la série Eos, Dendra2, mMaple, ...), "clignotantes" en fonction du pH (exemple : hydroxymethyl Si-rhodamine HMSiR), à fixation temporaire ("DNA-painting") ...

Voir la base de données de protéines fluorescentes FPbase.

Ces molécules ont révolutionné les performances des techniques d'imagerie cellulaire, en particulier en microscopie :

  • La nano-microscopie à fluorescence : les lauréats du prix Nobel de chimie 2014 (Eric Betzig, Stefan Hell et William Moerner) ont développé la microscopie à fluorescence à très haute résolution ("Super-resolved fluorescence microscopy") qui contourne la limite physique supposée de la résolution des microscopes optiques (estimée jusqu'à lors à environ 0,2 microns, la moitié de la longueur d'onde de la lumière utilisée - (∂xmin , ∂ymin ) ≈ λ/2).
  • La microscopie par localisation de molécule unique ("Single Molecule Localization Microscopy" - SMLM) - voir Lelek et al. (2021).
  • On atteind désormais une résolution des nucléotides de l'ADN à l'échelle de l'angström - voir Reinhardt et al. (2023).

Définitions

Une molécule fluorescente (fluorophore ou fluorochrome) :

  • Possède la propriété d'absorber de l'énergie lumineuse (ou lumière d'excitation) et de la restituer rapidement (< 1 nsec) sous forme de lumière fluorescente (ou lumière d'émission).
  • Une partie de l'énergie de la lumière d'excitation est absorbée par d'autres molécules du milieu et une autre partie de l'énergie est dissipée sous forme de chaleur.
  • En conséquence : l'énergie de la lumière d'émission est plus faible que celle de la lumière d'excitation : la lumière d'émission (la fluorescence) a donc une longueur d'onde plus élevée que la lumière d'excitation (l'absorption).
  • Est constituée en général de plusieurs groupes aromatiques combinés ou peut être une molécule planaire ou cyclique avec des liaisons π.
  • Photoblanchiment ("photobleaching") : modification d'un fluorophore due à une irradiation. Le fluorophore perd graduellement sa capacité à émettre une fluorescence.

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d. La protéine fluorescente verte (GFP)

La protéine fluorescente verte ("Green Fluorescent Protein" - GFP) est synthétisée dans les photocytes (cellule qui produit de la bioluminescence) de la méduse Aequorea victoria.

La découverte de cette protéine fluorescente et ses très nombreuses applications en biologie ont été couronnées par le prix Nobel de chimie 2008.

  • Le gène codant la GFP a été cloné en 1992 (Prasher et al.)
  • La GFP naturelle de Aequorea victoria est un monomère constitué de 238 résidus d'acides aminés : elle est dénommée avGFP (wtGFP).

La GFP est un accepteur de transfert d'énergie :

  • In vivo, elle transduit la bioluminescence bleue (pic d'émission à λ = 470 nm) de la photoprotéine aequorine (activée par Ca2+) en fluorescence verte par transfert d'énergie.
    • Le pic d'absorption (excitation) de avGFP est à λ = 395 nm.
    • Le spectre d'émission de fluorescence de avGFP a un pic à λ = 509 nm.

interactome protein interaction affinite transfert fluorescence bioluminescence Aequorea victoria GFP aequorine cyclic hexapeptide chromophore biochimej

Le chromophore de la GFP

  • L'hexapeptide commençant au résidu d'acide aminé 64 de la séquence de de la GFP est responsable de l'absorption de l'énergie de la lumière bleue de l'aequorine.
  • Le chromophore de la GFP naturelle est formé par la cyclisation autocatalytique post-traductionnelle des résidus [S65-Y66-G67] au sein de l'hexapeptide.

La fluorescence se produit lorsque l'oxydation de la liaison entre les carbones α et β de Y66 par l'oxygène moléculaire étend la conjugaison électronique du cycle imidazoline pour inclure le cycle phényl de Y et son substituant para-oxygène (figure d ci-dessous).

interactome protein interaction affinite transfert fluorescence absorption phosphorescence emisssion Aequorea victoria GFP YFP CFP mutant  biochimej

Source : Zeiss - Illustration du mécanisme de cyclisation du mutant S65T.

Visualisation de la GFP de Aequorea victoria à une résolution de 1,90 Å

Code PDB : 1EMA

La structure cristalline de la GFP a révélé que le chromophore tripeptide cyclique est enfoui au centre d'un "tonneau β" à onze brins entrelacés.

Au cours du repliement, le tripeptide est positionné au cœur du tonneau β : les réactions de cyclisation et de déshydratation nécessaires à la formation du chromophore mature ont alors lieu.

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GFP et mutants de la GFP : utilisations très larges et intenses en biotechnologie

La GFP a été mutée sur de nombreux résidus d'acides aminés afin de générer un très grand nombre de protéines fluorescentes avec des longueurs d'onde d'émission spécifiques.

Voir la base de données de protéines fluorescentes FPbase.

La figure suivante illustre diverses mutations de la GFP de Aequorea victoria (brins β = flèches vertes et hélices α = cylindres gris-bleus).

  • Les couleurs des mutations se rapportent à certaines protéines fluorescentes : en vert pour la GFP, en bleu pour la BFP, en cyan pour la CFP, en jaune pour la YFP et en violet pour Sapphire.
  • Presque 75% des mutations sont situées dans l'hélice α centrale et les brins β 7, 8 et 10.
  • Les mutations qui modifient la longueur d'onde sont essentiellement situées près de l'hélice α centrale qui contient le chromophore.
  • Les mutations qui accroissent la stabilité et le repliement sont situées tout au long de la séquence.

interactome protein interaction affinite transfert fluorescence absorption phosphorescence emisssion Aequorea victoria GFP YFP CFP mutant  biochimej

Source : Zeiss

  • Les mutants de la GFP sont traduits dans la plupart des types de cellules connus : ce sont donc des marqueurs fluorescents non invasifs et non léthaux. Cela permet le développement de protéines de fusion et de biocapteurs ("biosensor").
  • Certains mutants débouchent sur des protéines fluorescentes plus thermostables, avec une fluorescence plus brillante et une durée de vie de fluorescence plus longue.
  • Les formes alléliques mutées des protéines fluorescentes sont très utilisées pour la synthèse de protéines chimères employées comme étiquettes protéiques fluorescentes.
  • L'ensemble des sont utilisés pour une très grande variété d'analyses et d'applications : traceur de lignée cellulaire, rapporteur de la transcription génique, détection des interactions protéine-protéine.
Protéine fluorescente Séquence du chromophore λexcitation (nm) λémission (nm)
GFP ("Green Fluorescent Protein") V61TTFSYGVQC70 395 509
BFP ("Blue Fluorescent Protein") V61TTFSHGVQC70 381 445
CFP ("Cyan Fluorescent Protein") V61TTFSWGVQC70 456 480
YFP ("Yellow Fluorescent Protein") L61VTTLGYGLM70 514 529
Venus (YFP) L61VTTLGYGLQ70 515 528
Voir les paramètres physicochimiques d'une collection de ≈ 1000 protéines fluorescentes par ordre alphabétique (FPbase).

Limitations des protéines de fusion [protéine fluorescente - protéine étudiée]

La plupart des gènes disponibles dans le commerce pour la GFP et les protéines fluorescentes similaires contiennent environ 730 paires de bases.

  • La GFP naturelle contient 238 acides aminés (masse molaire = 27 kDa).
  • Par conséquent, la fusion [gène GFP - gène protéine étudiée] génère une protéine de fusion dont la taille et la masse molaire sont considérablement supérieures à celle de la protéine d'intérêt seule : la protéine de fusion peut donc avoir une fonction altérée ou une localisation finale différente du fait d'un processus de transport modifié.

Voir un développement concernant la GFP.

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9. La technique du FRET appliquée aux molécules biologiques

a. Principe du phénomène de FRET entre protéines fluorescentes

Le FRET ("Förster Resonance Energy Transfer" - décrit par Theodor Förster en 1948) est un processus de transfert d'énergie entre une molécule fluorescente (un fluorophore appelé donneur) et une autre molécule fluorescente (un fluorophore appelé accepteur).

Le phénomène FRET n'a lieu que si les 2 fluorophores sont distants de 10 Å à 100 Å.

La technique du FRET, appliquée à la microscopie optique, permet donc d'analyser la proximité de deux biomolécules dans une cellule à l'échelle du nanomètre : elle permet de déterminer les interactions entre ces molécules quand elles se rapprochent suffisament l'une de l'autre.

interactome interactomique protein interaction PPI affinity affinite kd dissociation association transfert fluorescence FRET biochimej

Source : "Evident - Olympus"

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b. Principe physique du FRET

Un électron de la molécule donneuse génère un champ électrique qui entre en résonnance avec les électrons des orbitales électroniques de la molécule acceptrice : la molécule acceptrice passe dans un état excité et son retour à l'état fondamental émet un photon (émission de fluorescence).

Formule très théorique du calcul du FRET :

fluorescence fret bret emission excitation donneur accepteur GFP YFP BFP mKalama biochimej

R0 = rayon de Förster, J(λ) = intégrale de chevauchement des aires, QD = rendement quantique, ε = coefficient d'extinction, κ = facteur d'orientation, n = indice de réfraction.

Efficacité du FRET (E)

C'est le rendement quantique du transfert d'énergie (la fraction de l'événement "transfert d'énergie" par événement "excitation du donneur de FRET") :

E = kET / (kET + kf + ∑ki)

  • kET est le taux de FRET.
  • kf est le taux de relaxation radiative, c'est-à-dire la fluorescence.
  • ki sont les taux de mécanismes non radiatifs (voir ci-dessus).

Dans le cadre d'une approximation ponctuelle [dipôle-dipôle], l'efficacité du FRET peut être reliée à la distance [donneur-accepteur] par les relations :

efficacite fluorescence fret rayon Forster emission excitation donneur accepteur radiatif GFP YFP BFP donor acceptor biochimej

  • R est la distance [fluorophore donneur - fluorophore accepteur] du FRET.
  • R0 est la distance de Förster (ou rayon de Förster, en Å) pour une efficacité de transfert de 50 %.
  • R0 est caractéristique de la paire [donneur - accepteur] étudiée.
  • IFDA est l'intensité de fluorescence du fluorophore donneur en présence de l'accepteur.
  • IFD est l'intensité de fluorescence du fluorophore donneur en absence de l'accepteur.

Chevauchement des spectres [fluorescence (émission) du donneur - absorption de l'accepteur]

Pour augmenter l'efficacité du FRET, le groupe donneur doit avoir de bonnes capacités à absorber et à émettre des photons : le groupe donneur doit être caractérisé par un coefficient d'extinction élevé et un rendement quantique élevé.

Le chevauchement du spectre d'émission du donneur et du spectre d'absorption de l'accepteur traduit l'énergie du donneur excité qui contribue à exciter le groupe accepteur.

Le chevauchement des spectres [fluorescence (émission) du donneur - absorption de l'accepteur] signifie que l'énergie perdue par le donneur excité, lors de son retour à l'état fondamental, excite le groupe accepteur : plus les spectres se chevauchent, plus le donneur transfère de l'énergie à l'accepteur.

interactome protein interaction transfert fluorescence absorption emisssion energie chevauchement spectre biochimej

Source : Broussard & Green (2017)

L'intégrale de chevauchement J(λ) [donneur - accepteur] représente l'amplitude du chevauchement des spectres. La valeur de cette intégrale est donnée par la relation :

efficacite fluorescence fret emission excitation donneur accepteur donor acceptor radiatif GFP YFP BFP integrale chevauchement overlap biochimej

  • FD(λ) est le spectre d'émission normalisé du donneur.
  • εA(λ) est le coefficient d'absorption molaire de l'accepteur.
  • λ est la longueur d'onde.

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c. Le couple [donneur / accepteur] du FRET

C'est donc l'élément clé de la technique du FRET car le transfert d'énergie s'effectue si le spectre de fluorescence (émission) du donneur et le spectre d'absorption de l'accepteur se chevauchent.

Exemple de couples [donneur / accepteur] fréquemment utilisés en biologie pour détecter des interactions protéine-protéine (entre macromolécules ou intramoléculaires, de manière générale) :

  • protéine fluorescente cyan (CFP) / protéine fluorescente jaune (YFP)
  • protéine fluorescente verte (GFP) / rhodamineémission ≈ 610 nm)
  • isothiocyanate de fluorescéineexcitation ≈ 495 nm - λémission ≈ 521 nm) / cyanine 3 (Cy3 - λexcitation ≈ 550 nm - λémission ≈ 570 nm)
  • CFP / ligand hélicoïdal de l'arsenic fluorescéine ("the fluorescein arsenical helix binder" - FlAsH) : fixation sélective de protéines contenant le motif riche en cystéines [C-C-(x)2-C-C], il fluoresce une fois fixé.
Protéines fluorescentes utilisées dans diverses méthodes
Protéine (noms divers) pic excitation (nm) pic émission (nm) Organisme

GFP ("Green Fluorescent Protein")

513 527 Aequorea victoria

CFP ("Cyan Fluorescent Protein" : ECFP, Cerulean, CyPet, mTurquoise2)
mutation Y66W de la GFP

433 475

YFP ("Yellow Fluorescent Protein" : Citrine, Venus, YPet)
mutation T203Y de la GFP

516 529

BFP ("Blue fluorescent protein" : EBFP, EBFP2, Azurite)
mutation Y66H de la GFP

383 448

Illustration de BFP mKalama1

fluorescence fret bret emission excitation donneur accepteur GFP YFP BFP mKalama biochimej

Source : Vegh et al. (2015)

La désintégration non radiative de l'état excité de BFP mKalama comprend deux évènements :

  • la conversion interne couplée au transfert de protons intraprotéique où le résidu conservé E222 sert d'accepteur de protons.
  • l'ionisation induite par 2 processus d'absorption résonante consécutifs, suivis de la déprotonation du cation radical chromophore vers le solvant.
mCherry (mRFPs) 587 610 Discosoma sp

FPbase : base de données de protéines fluorescentes ("Fluorescent Proteins" - FP) et de leurs propriétés.

  • Cette base de données est gratuite, open source, modifiable par la communauté.
  • Elle regroupe des données structurées de protéines fluorescentes pour la communauté scientifique qui utilise l'imagerie et les concepteurs de protéines fluorescentes.
  • Chaque protéine de la base de données possède une page dédiée : séquence en acides aminés, numéros d'accession dans des grandes bases de données généralistes, lignées cellulaires et mutations évolutives, attributs de fluorescence, données de structure des protéines, références bibliographiques liées à la protéine, ...

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d. Le BRET ("Bioluminescence Resonance Energy Transfer")

Cette technique mesure le transfert d'énergie entre une molécule bioluminescente donneur de BRET et une molécule fluorescente accepteur (par exemple la GFP ou la YFP, comme pour le FRET). Cette technique génère un bruit de fond très faible.

La coelenterazine est une molécule bioluminescente donneur. C'est une luciférine dont l'excitation est déclenchée par la luciférase "renilla-luciferin 2-monooxygenase" (Rluc - E.C. 1.13.12.5).

coelenterazine h + O2 <=> CO2 + coelenteramide h monoanion (excité) + H+ + hν

Une luciférase extrêmement performante a été développée : la NanoLuc (NLuc).

fluorescence fret bret emission excitation donneur accepteur GFP YFP bioluminescence luminescence coelenterazine Rluc biochimej

Source : Weihs et al. (2020)

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10. Le FRET appliquée à l'étude de molécule unique ("single-molecule FRET")

a. Introduction

La dynamique des changements conformationnels d'une population de biomolécules n'est pas un processus homogène.

En effet, les mouvements de ces molécules ne sont pas synchronisés et ils se déroulent sur une échelle de temps qui s'échelonne de la femtoseconde (fs; vibration des liaisons des chaînes latérales des rotamères) à la microseconde (µs; mouvement des structures secondaires) et, pour des mouvements de plus grande ampleur la seconde (mouvements globaux des domaines structuraux).

Ces caractéristiques structurales sont donc extrêmement difficiles à analyser avec des méthodes d'imagerie reflétant le comportement moyen d'un vaste ensemble de molécules.

La technique FRET à molécule unique ("single-molecule FRET" - smFRET) permet :

  • D'étudier la dynamique conformationnelle de biomolécules individualisées ("single-molecule") et les interconversions entre structures clés d'une même protéine (fixation de ligand, interactions protéine-protéine, régulation allostérique, …).
  • De déterminer directement les distances intramoléculaires au sein des biomolécules et d'analyser leur modulation au cours du temps.

La technique smFRET est une application du phénomène de FRET dans laquelle des paires uniques de FRET [donneur et accepteur] sont excitées et détectées.

  • La sensibilité de smFRET est liée à la forte dépendance du transfert d'énergie d'excitation à la distance entre des colorants fluorescents.
  • Les mesures smFRET sont généralement effectuées avec des microscopes à fluorescence : la source lumineuse est un faisceau laser très intense afin que, bien qu'il ne s'agisse que d'une molécule, le signal de fluorescence soit détectable et mesurable (significatif).

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b. Le FRET dépend de la distance entre les deux fluorophores

Le FRET est favorisé quand la distance [donneur – accepteur] est comprise entre 1 et 10 nm, ce qui souligne l'intérêt de smFRET : en effet, cette distance nécessaire au transfert d'énergie est du même ordre de grandeur que la taille d'une protéine ou l'épaisseur d'une membrane lipidique.

fluorescence fret smFRET single molecule emission excitation dynamique conformationnelle repliement folding biochimej

Sources : Roy et al. (2008) & Lerner et al. (2018)

Rappel de l'éfficacité du transfert d'énergie en fonction de la distance [donneur-accepteur] :

efficacite fluorescence fret rayon Forster emission excitation donneur accepteur radiatif GFP YFP BFP mKalama biochimej

  • R est la distance [fluorophore donneur - fluorophore accepteur] du FRET.
  • R0 est la distance de Förster (ou rayon de Förster, en Å) pour une efficacité de transfert de 50%.

R0 est caractéristique de la paire [donneur - accepteur] étudiée et sa valeur dépend notamment :

  • De l'indice de réfraction du milieu situé entre le donneur et l'accepteur.
  • Du rendement quantique de fluorescence du donneur en absence de l'accepteur.
  • Du facteur d'orientation des colorants.

La gamme de distances mesurées précisément par FRET [0,5 R0 - 1,5 R0] : cela se traduit par une plage dynamique de 2 à 10 nm pour les paires de colorants smFRET couramment utilisées. Exemple : R0 de la paire [Cy3 - Cy5] = 5,4 nm.

Le fluorophore le mieux adapté aux études smFRET est :

  • Petit.
  • Brillant : coefficient d'extinction molaire εM > 50.000 M-1.cm-1 ; rendement quantique > 0,1)
  • Photostable : un minimum d'effets [photophysiques – photochimiques] et un minimum d'effets d'agrégation
  • Soluble dans l'eau avec suffisamment de formes chimiques de bio-conjugaison.

Une excellente paire smFRET est caractérisée par :

  • Une grande séparation entre les spectres d'émissions du donneur et de l'accepteur. En effet, l'étendue du FRET est traduite par l'aire de chevauchement du spectre d'émission d'un donneur D et du spectre d'absorption d'un accepteur A : plus l'aire de chevauchement est large, plus le transfert d'énergie est efficace.
  • Des rendements quantiques et des efficacités de détection similaires.

Des protéines fluorescentes et des semi-conducteurs ont été utilisées pour des études smFRET sans réel succès.

Les fluorophores monomoléculaires les plus efficaces s'avèrent les petits (< 1 nm) colorants organiques comme l'indique le tableau ci-dessous.

Propriétés spectrales de quelques fluorophores pour l'analyse de molécule individualisée ("single-molecule").
----- Fluorophores λmax excitation (nm) λmax émission (nm) εM à λmax (M-1.cm-1) Rendement quantique R0 (Å)
donneur Cy3 555 570 150 000 0,31 54
accepteur Cy5 646 662 250 000 0,20
donneur sulfo-Cy3 548 563 162 000 0,10 56
accepteur sulfo-Cy5 646 662 271 000 0,28
donneur Cy3B 558 572 130 000 0,67 51
accepteur Cy7 750 773 199 000 0,30
donneur Alexa Fluor 555 555 580 155 000 0,10 47
accepteur Alexa Fluor 647 650 665 270 000 0,33
donneur Atto 550 554 574 120 000 0,80 63
accepteur Atto 647 N 644 667 150 000 0,65
donneur Alexa Fluor 488 490 525 73 000 0,92 62
accepteur Alexa Fluor 568 578 603 88 000 0,69

Figure ci-dessous, exemple du pigment "ATTO 550".

  • C'est un marqueur fluorescent lié aux colorants Rhodamine 6G et Rhodamine B.
  • Il a forte absorption, un rendement quantique de fluorescence élevé et une stabilité thermique et photologique élevée.
  • Il est modérément hydrophile et cationique. Après couplage il porte une charge électrique nette de +1.

fluorescence fret smFRET single molecule emission excitation dynamique conformationnelle repliement folding biochimej

Sources : Atto-Tech

Voir une application des cyanines en protéomique ("technique 2D-DIGE).

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c. Application du smFRET à l'étude de processus biologiques

smFRET a été utilisé pour étudier divers types de processus et de systémes biomoléculaires.

  • Repliement et dynamique conformationnelle des protéines repliées et des protéines intrinsèquement désordonnées.
  • Simulation des changements conformationnels dans les membranes (transporteur intégré dans des micelles de détergent ou dans des nanoparticules de saposine).
  • Interactions [récepteurs des lymphocytes - antigènes], [récepteur du facteur de croissance épidermique - ligands], ...
  • Dynamique conformationnelle des acides nucléiques (exemples : ribozyme en épingle à cheveux, la jonction Holliday et le G-quadruplex).
  • Mécanisme de fusion des vésicules médié par la protéine SNARE.
  • Processus de reconnaissance et d'infection de cellules par des virus.

Illustration des machineries moléculaires

ClpB est une machinerie protéolytique homohexamérique de bactéries appartenant à la famille des ATPases Hsp100 associées à diverses activités cellulaires ("ATPases associated with diverse cellular activities" - AAA+).

Chaque sous-unité de ClpB contient un domaine structural intermédiaire unique en spirale (le domaine M) qui est un élément de contrôle de la fixation du co-chaperon DnaK.

La technique sMFRET a permis de démontrer que le domaine M bascule entre 2 états conformationnels majeurs sur une échelle de temps très rapide d'environ 150 µs (plus rapides que l'activité globale de ClpB).

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11. La technique FISH ("Enhanced ELectric Fluorescence in situ Hybridization")

a. Principe

L'hybridation in situ par fluorescence ou FISH est une technique cytogénétique moléculaire qui détecte et localise une séquence d'ADN spécifique sur les chromosomes entiers.

  • L'ensemble des chromosomes d'une cellule est déposé sur une lame de verre et la structure en double hélice de l'ADN est déroulée.
  • L'ADN échantillon est exposé à une courte séquence d'ADN marquée par une molécule fluorescente : cette sonde s'hybride à sa séquence complémentaire dans l'ensemble des gènes chromosomiques.
  • L'observation de l'échantillon en microscopie en fluorescence situe précisément la sonde et donc l'emplacement sous-chromosomique du gène d'intérêt.

fluorescence fret FISH in situ hybridization emission excitation mouse brain cerveau souris transcriptome single cell spatial biochimej

Source : National Human Genome Research Institute

La technique FISH est employée pour le diagnostic de maladies génétiques, pour la cartographie génétique et l'identification d'anomalies chromosomiques et pour la comparaison d'arrangements chromosomiques de gènes d'espèces apparentées.

b. Application à la transcriptomique spatiale à haut débit

Les méthodes de détermination du profil transcriptomique dans l'espace tissulaire sont assujetties à un équilibre entre entre résolution et débit.

La méthode nommée EEL-FISH ("Enhanced ELectric Fluorescence in situ Hybridization") traite rapidement de très nombreux échantillons de tissus sans perte de résolution spatiale. Les ARN d'une section de tissu sont transférés par électrophorèse sur une surface qui les capture.

  • L'acquisition de données est accélérée réduisant ainsi le nombre d'image nécessaire.
  • Les ARN accèdent directement à la surface ce qui permet d'obtenir une résolution à l'échelle de la cellule individualisée (voir un cours sur le "single-cell").

La méthode EEL-FISH appliquée à 8 sections entières d'un cerveau de souris a permis de mesurer le taux de transcription de 440 gènes, révéler ainsi son organisation tissulaire complexe (voir la base de données "Mouse Brain Atlas") .

fluorescence fret FISH in situ hybridization emission excitation mouse brain cerveau souris transcriptome single cell spatial biochimej

Source : Borm et al. (2023)

Cette méthode peut être utilisée pour l'étude d'échantillons humains (difficiles à analyser) en supprimant la lipofuscine autofluorescente : le transcriptome spatial du cortex visuel humain peut-être ainsi visualisé.

La lipofuscine est le nom donné aux fins granules pigmentaires jaune-brun composés de résidus lipidiques issus de la digestion par les lysosomes.

 

12. Liens Internet et références bibliographiques

Cours en ligne "Protein-protein interactions"

Pathway Figure OCR : extraction d'informations publiées dans la littérature.

Pathway Commons

EMBL-EBI Training

OCR

Pathway Commons

Base de données de protéines fluorescentes

FPbase : collection de ≈ 1000 protéines fluorescentes (paramètres physicochimiques et ordre alphabétique)

The Eukaryotic Linear Motif (ELM) resource

MaxQuant : progiciel de protéomique quantitative pour l'analyse de grands jeux de données obtenues par spectrométrie de masse

Guide de sélection de fluorophores

FPbase

Collection

ELM

MaxQuant

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